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Cambrinus, Roi de la Bière

Devant ses yeux était planté un homme de haute taille, vêtu d’un habit vert à boutons de cuivre, coiffé d’un chapeau à plumes, armé d’un couteau de chasse & portant un cor d’argent par-dessus sa carnassière. Cambrinus & lui se regardèrent quelque temps en silence.

« Que je ne vous gêne point ! dit enfin l’inconnu.

— Je ne suis mie pressé, répondit l’autre, un peu refroidi par la présence d’un étranger.

— Mais je le suis, moi, mon bon Cambrinus.

— Tiens ! vous savez mon nom ?

— Et je sais aussi que tu vas danser ta dernière gigue, parce qu’on t’a fourré en prison & que l’aimable Flandrine refuse de t’enrôler dans la grande confrérie… »

Et, ce disant, l’inconnu ôta son chapeau.

« Quoi ! c’eſt vous, myn heer van Belzébuth. Eh bien ! par vos deux cornes, je vous croyais plus laid.

— Merci !

— Et quel bon vent vous amène ?

— N’eſt-ce point aujourd’hui samedi ? Ma femme lave la maison, &, comme j’ai horreur des wassingues…

— Vous avez décampé. Je comprends cela. Et… avez-vous fait bonne chasse ?

— Peuh ! je ne rapporte que l’âme du juge de Condé.