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Manneken-Pis

Et, versant du lait dans le couvercle de la cane, la fausse laitière le présenta au sautériau.

« Oh ! les jolis lapins blancs ! dit-elle en feignant la surprise. Donnez-m’en un.

— Les lapins de mon troupeau ne sont ni à donner ni à vendre, fille. Ils sont à gagner.

— Et comment les gagne-t-on ?

— En embrassant le berger. »

La princesse, choquée d’une telle hardiesse, faillit se trahir, mais elle réfléchit que, le petit sabotier croyant avoir affaire à sa pareille, sa prétention n’avait rien d’offensant, que cette galanterie à la paysanne ne tirait nullement à conséquence, qu’enfin, si jamais baiser avait été innocent, c’était bien celui-là, puisqu’on ne le laissait prendre que pour se débarrasser du pauvre bergeolin.

Elle tendit donc en rougissant sa joue & son tablier, puis elle partit comme une flèche, emportant sa cruche & son lapin.

Elle n’avait point fait cent pas que, prouf ! voilà le lapin qui saute hors du tablier. La princesse le rattrapa au vol, mais il l’égratigna si bien que force lui fut de le lâcher.

Une heure après, le sautériau ramenait son troupeau au complet.

« Il n’eſt chasse que de vieux chiens, dit le