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Martin & Martine

soupe était trop froide, le rôt brûlé, la bière sur le bas, & chercha tout le temps un prétexte de quereller le pauvre Martin.

À la fin, il lui vint une idée.

« Quel poisson as-tu mis, dit-il, dans ton vivier ? »

Du poisson ! Martin, qui n’était pas pêcheur, avait juſtement oublié de recommander ce point à Martine. Il ne sut que répondre.

« Ah ! ah ! mon gaillard, fit l’ogre, enchanté de le prendre sans vert. On te commande un vivier, & tu oublies de l’approvisionner ! Tu es tout juſte aussi malin qu’une marmotte, toi !

— Il va réparer sa faute, dit Martine.

— Qu’on porte mon café & ma bouteille de brandevin au belvédère ! Nous allons voir ça. »

Et l’ogre y monta en se frottant les mains. Sa fille l’y suivit, & c’eſt à peine si cette fois elle eut besoin de dire une seule chanson. Son père s’endormait régulièrement après le dîner : il ne tarda pas à ronfler.

En deux sauts Martine fut auprès de Martin. Malheureusement il lui fallut plus de temps pour peupler le vivier. On comprend qu’il eſt moins facile, même pour la baguette d’une fée, de créer des poissons que de couper des arbres ou de fouir la terre. Longtemps elle battit l’eau sans faire éclore le moindre barbillon.