Page:Deulin - Contes d’un buveur de bière, 1868.djvu/66

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

60
Contes d’un buveur de bière

casser les réverbères, à décrocher les enseignes, &, l’hiver, à sabouler les passants à coups de boulets de neige. Bref, il faisait la terreur des honnêtes bourgeois, la joie des petits polissons & le désespoir de sa mère, bonne femme & craignant Dieu.

« Si Gilles ne s’amende, disait-elle quelquefois à son fils aîné, tu verras que le garnement finira comme une taupe, entre ciel & terre.

— Mère, j’ai souvent ouï dire à M. le curé que la crainte eſt le commencement de la sagesse, répondit un jour le frère de Culotte-Verte. Si Gilles avait peur une bonne fois, peut-être qu’il changerait de vie. Or, je sais un sûr moyen de lui faire peur. Envoyez-le ce soir quérir une cruche d’eau à la fontaine Saint-Calixte. Je me charge du reſte. »


II

La fontaine Saint-Calixte coule à une lieue de Condé, & son eau avait alors la propriété de couper les fièvres qui, à l’automne, à cause des marais, régnaient fort dans le pays.

Le soir, quand Gilles rentra pour se coucher, sa mère lui dit :