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Le Petit Soldat

C’était un magnifique corsage de velours orange, tout brodé de perles ; n’importe, il fallait que Ludovine fût bien femme pour recouvrer ainsi ses blanches épaules, rien qu’en le voyant.

« Ce n’eſt point tout, dit-elle. Va dans le corridor, prends l’escalier à gauche, monte au premier étage, &, dans la seconde chambre, tu trouveras une autre garde-robe où eſt ma jupe. Apporte-la-moi. »

Le Rôtelot obéit. En pénétrant dans la chambre, il vit, au lieu de mains, huit bras armés d’énormes bâtons. Il dégaina sans pâlir, & s’élança, comme la première fois, en faisant avec son sabre un tel moulinet, que c’eſt au plus s’il fut effleuré par un ou deux coups.

Il apporta la jupe, une jupe de soie bleue comme le ciel de l’Espagne.

« Voici la jupe ! » dit Jean, & le serpent parut. Il était femme jusqu’aux genoux.

« Il ne me manque plus que mes bas & mes souliers, fit-il. Va me les quérir dans la garde robe qui eſt au deuxième étage. »

Le petit soldat y alla & se trouva en présence de huit gobelins armés de marteaux, & dont les yeux lançaient des pétards.

À cette vue, il s’arrêta sur le seuil.

« Ce n’eſt point mon sabre, se dit-il, qui pourra me garantir. Ces brigands-là vont me le briser