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Contes d’un buveur de bière

comme verre, & je suis un homme mort, si je n’avise à un autre moyen. »

Il regarda la porte, & vit qu’elle était de bois de chêne, épaisse & lourde. Il la prit dans ses bras, l’enleva des gonds & se la mit sur la tête. Il marcha droit aux gobelins, rejeta la porte sur eux, courut à la garde-robe & y trouva les bas & les souliers. Il les apporta à Ludovine, qui cette fois redevint femme de la tête aux pieds.

S’il lui reſta encore quelque chose du serpent, le Rôtelot ne le remarqua point, &, du reſte, plus fin que lui n’y aurait vu que du feu.

Ludovine, tout en chaussant ses jolis bas de soie blancs à coins brodés & ses mignons souliers bleus, garnis d’escarboucles, dit à son libérateur :

« Tu ne peux reſter ici plus longtemps, &, quoi qu’il advienne, tu ne dois plus y remettre les pieds. Voici une bourse qui contient deux cents ducats. Va loger cette nuit à l’auberge des Trois-Tilleuls, qui eſt au bord du bois, & tiens-toi prêt demain matin. Je passerai à neuf heures devant la porte & te prendrai dans mon carrosse.

— Pourquoi ne partons-nous pas tout de suite ? hasarda le petit soldat.

— Parce que le moment n’eſt point venu. » Et la princesse accompagna ces paroles de ce regard dominateur qui ensorcelait le Rôtelot. Elle était grande & fière, elle avait la taille