Page:Deulin - Les Contes de ma mère l'Oye avant Perrault.djvu/119

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alangui, affamé d’amour, halluciné par ta beauté et tu ne vois pas ce qui frappe tous les yeux, que je suis réduit au tiers, comme du vin cuit, que je n’ai plus que la peau et les os, et que la fièvre est cousue à mes veines avec du fil double !

Dépouille donc cette fourrure et dévoile-moi la splendeur de tes beautés ; ôte les feuilles qui couvrent ce panier de jonc[1] et montre-m’en les beaux fruits ; lève cette portière et permets à mes yeux de contempler la pompe des merveilles. Qui a logé dans une prison tissue de poils un objet aussi joli ? Qui a serré dans un écrin de cuir un aussi beau trésor ? Fais-moi voir ce prodige de grâce et pour prix prends toutes mes volontés. Ô mon bien, c’est la graisse de cette ourse qui seule peut calmer l’irritation de mes nerfs !

Quand il eut tout dit et redit, il s’aperçut qu’il avait perdu ses paroles. Il se retourna dans son lit et eut une crise si violente que les médecins n’en augurèrent rien de bon. Sa mère, qui n’avait pas d’autre bien au monde, s’assit à son chevet et lui dit :

— Mon fils, d’où te viennent ces tourments ? Quelle sombre mélancolie s’est emparée de toi ! Toi si jeune, toi si chéri, toi si grand, toi si riche, que te manque-t-il, ô mon fils ? parle : mendiant honteux

  1. Sportone, grand cabas où les paysans portent leurs fruits au marché.