Page:Deulin - Les Contes de ma mère l'Oye avant Perrault.djvu/146

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d’ailleurs dans le Pentamerone. Ce passage licencieux est devenu d’une délicatesse exquise, et rien n’est joli comme le mot de la princesse : « Est-ce vous, mon prince ? Vous vous êtes bien fait attendre ! »

La version française est plus élégante, la version allemande plus rustique. Celle-ci nous montre le cuisinier dormant la main levée sur le marmiton et, à son réveil, pinçant l’oreille du petit drôle qui jette un cri[1]. C’est la gaieté germanique, celle qui excite le gros rire. Avec le nez bourgeonné et la face vermeille des suisses, l’esprit français se contente de nous faire sourire en mêlant à la féerie une pointe d’actualité et de vraisemblance malicieuse. De plus, il n’insiste pas et, quand l’héroïne est réveillée, il se garde bien de décrire par le menu le réveil des autres personnages.

Ce tableau du sommeil léthargique paraît avoir frappé les esprits du Nord. Nous le retrouvons dans

  1. Si Gustave Doré avait connu la version allemande, où les mouches dorment le long du mur, il ne nous eût pas fait voir, par une singulière inadvertance, les araignées filant leur toile dans le palais endormi ; de même, s’il avait lu la version en vers de Peau d’Ane, il aurait laissé de côté le vieux druide de la traduction en prose, qui ne détonne pas moins dans un conte de fées que le casuiste auquel le traducteur l’a substitué. Ajoutons bien vite que, malgré ces légères taches, le Perrault illustré est un des plus beaux livres qui soient sortis du merveilleux crayon de Gustave Doré.