Page:Deulin - Les Contes de ma mère l'Oye avant Perrault.djvu/148

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Grimm, laisse le lecteur, et il semble en réalité que l’histoire doive se terminer au moment où le jeune prince vient rompre le charme. J’ai cru longtemps que Perrault avait composé son récit avec deux traditions différentes mal soudées, et je ne comprenais pas comment il avait pu superposer cette abominable aventure d’ogresse à celle de ses légendes qui ravit le mieux l’imagination.

Le conte du Pentamerone, où manque le tableau du château dormant, mais où le festin des Atrides tient lieu du repas de l’ogresse, m’a donné la clef de ce mystère. Le prince qui réveille la belle est marié, il retourne souvent la voir ; la reine découvre la cause de ses trop fréquentes absences, et sa jalousie explique la barbarie dont elle use envers la malheureuse et ses enfants. C’est ainsi que Junon persécutait Latone, mère d’Apollon et de Diane — du Soleil et de la Lune[1].

En prenant pour héros un bel adolescent au lieu d’un homme marié, le conte français s’est épuré et idéalisé, mais en même temps il s’est disloqué : comme on dit en argot littéraire, il ne tient plus.

  1. Sous ce titre, Suli, Perna e Anna, le Soleil, la Perle et Anna, le recueil des Contes siciliens, de M. G. Pitre (Palerme, 1875), contient une Belle au bois dormant d’arrangement assez médiocre, qui ressemble en général à celle du Pentamerone avec cette différence que, comme chez Perrault, le rôle de l’épouse y est joué par la mère du prince.