Page:Deulin - Les Contes de ma mère l'Oye avant Perrault.djvu/159

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échauffa bien plus la tête que n’aurait pu le faire le soleil lui-même.

Elle manda donc son secrétaire et lui dit :


— Écoute, mon fils, tu es en ce moment entre Charybde et Scylla, entre la porte et le chambranle, entre le bâton et le pavé. Si tu me révèles de qui mon mari est tombé amoureux, je fais ta fortune ; si tu me le caches, je ne sais si tu es vivant ou mort !

Le compère fut saisi d’un côté par la peur et de l’autre pris à la gorge par l’intérêt, qui est une taie sur l’œil de l’honneur, l’éteignoir de la justice et le cheval déferré de la bonne foi : il répondit à la reine, seIon son désir, de pain pain et de vin vin.

Elle lui ordonna donc d’aller dire à Thalie de la part du roi qu’il désirait voir ses enfants : Thalie fut enchantée de les envoyer. Ce cœur de Médée commanda alors au cuisinier de les égorger et de les accommoder à diverses sauces pour les faire manger à son pauvre mari.

Le cuisinier avait l’âme bonne. Lorsqu’il vit ces deux belles pommes d’or, il en eut compassion et les donna à sa femme pour les cacher ; à leur place, il accommoda deux chevreaux de vingt façons. Quand le roi arriva, la reine se fit un plaisir d’envoyer quérir les plats et, voyant qu’il mangeait de grand appétit, elle lui dit :

— Oh ! comme cette fricassée est bonne ! Par l’âme de mes aïeux, comme cette autre est excellente !