— Ça me chiffonne de savoir si Jean Plante en eut pour longtemps de sa folie ? hasarda-t-il avec timidité.
Antoine se tourna successivement vers ses deux voisins de droite et de gauche, et répondit :
— Il y a ici deux respectables habitants de l’Argentenay : demande-leu ça, mon garçon.
— Jean Plante est mort fou ! grondèrent ensemble les deux Argentenayens, d’une voix effroyablement creuse.
— Pas possible ! le pauvre homme ! fit-on autour des tables.
— Il vécut un an après l’affaire du moulin, reprit Antoine… Mais quelle vie ! Tout le monde en avait peur et se sauvait de lui, comme d’un possédé. C’est qu’aussi il n’était pas agréable à rencontrer, surtout la nuit. Toujours armé de sa faux, il courait les champs et les bois, cherchant des loups-garous et massacrant tous les gros chiens qu’il pouvait approcher, — à tel point que ces pauvres bêtes, de tant loin qu’elles l’apercevaient, se sauvaient à toutes pattes, jappant de peur. Un matin, on le trouva mort dans le haut du clos du bonhomme