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BARNABÉ RUDGE

litude, mais on avait planté devant la large cheminée une colonie de chaises et de tables sur carré de tapis ; elle était flanquée d’un paravent épouvantable que décoraient des figures grotesques et grimaçantes. Après avoir allumé de ses propres mains les fagots entassés sur l’âtre, le vieux John se retira pour tenir un grave conseil avec sa cuisinière touchant le repas de l’étranger ; tandis que celui-ci, trouvant peu de chaleur dans ces fagots qui n’étaient pas encore enflammés, alla ouvrir un treillis à la fenêtre lointaine, et se réchauffa à la lueur languissante d’un froid soleil de mars.

Quittant de temps en temps la fenêtre pour arranger les bûches qui pétillaient, ou pour se promener d’un bout à l’autre de cette chambre sonore, il la ferma quand le bois fut tout à fait embrasé, et ayant roulé dans le coin le plus chaud la meilleure bergère, il appela John Willet.

« Monsieur, » dit John.

C’était une plume, de l’encre, et du papier qu’il désirait. Il y avait sur la haute tablette de la cheminée un vieil écritoire contenant, parmi la poussière, quelque chose qui pouvait, à la rigueur, représenter ces trois articles. Ayant mis cela devant l’étranger, l’aubergiste se retirait quand on lui fit signe de rester.

« Il y a une maison non loin d’ici, dit le monsieur, après avoir écrit quelques lignes, que vous nommez, je crois, la Garenne ? »

Comme c’était dit du ton d’une personne qui connaissait le fait et ne questionnait que pour la forme, John se contenta d’incliner la tête en signe d’affirmation ; il tira en même temps de son gousset une de ses mains, derrière laquelle il toussa, puis il la remit dans sa poche.

« Je voudrais que ce billet, dit son hôte en jetant un coup d’œil sur ce qu’il avait écrit et le pliant, fût porté là le plus tôt possible, et qu’on me rapportât une réponse. Avez-vous un messager tout prêt ? »

John resta pensif une minute ou environ, et alors il dit oui.

« Faites-le monter. »

Il y avait de quoi déconcerter notre homme : car Joe étant dehors, et Hugh occupé à étriller le double poney alezan, il se proposait de charger de la commission Barnabé, qui venait précisément d’arriver au Maypole dans une de ses excursions,