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BARNABÉ RUDGE

couplé, que son père se plaisait encore à considérer comme un petit garçon, et à traiter en conséquence. Étendant ses mains pour les réchauffer au feu de l’âtre, l’homme tourna la tête du côté de la compagnie, et, après l’avoir parcourue d’un regard perçant, il dit, d’une voix bien appropriée à son extérieur :

« Quelle est donc cette maison qui se trouve à environ un mille d’ici ?

— Un cabaret ? dit l’aubergiste de son ton habituel.

— Un cabaret, père ! se récria Joe. Y pensez-vous ? un cabaret à un mille environ du Maypole ? Il veut parler de la grande maison, la Garenne, rien de plus clair. N’est-ce pas, monsieur, la vieille maison en briques rouges, bâtie sur ses propres terres ?

— Oui, dit l’étranger.

— Et qui était, il y a quinze ou vingt ans, au milieu d’un parc cinq fois aussi vaste. Ce parc, ainsi que d’autres domaines plus riches, a changé de mains pièce à pièce et a disparu. C’est bien dommage, poursuivit le jeune homme.

— Possible, fut la réplique. Mais ma question concernait le propriétaire. Ce qu’a été la maison, je ne m’en soucie guère ; et pour ce qu’elle est, je peux bien le voir par moi-même. »

L’héritier présomptif du Maypole pressa ses lèvres de son doigt ; et lançant un coup d’œil du côté du jeune gentleman que nous avons déjà fait connaître, et qui avait changé d’attitude la première fois qu’on avait parlé de la maison, il répliqua d’un ton moins haut :

« Le propriétaire se nomme Haredale, M. Geoffroy Haredale, et… (il lança de nouveau un coup d’œil dans la même direction) et un digne gentleman encore… Hem ! »

Ne faisant pas plus attention à cette toux d’avertissement qu’au geste significatif dont elle avait été précédée, l’étranger continua son rôle de questionneur.

« Je me suis détourné de mon chemin en venant ici, et j’ai pris le sentier pour traverser les terres de cette Garenne. Quelle est la jeune dame que j’ai vue monter en voiture ? serait-ce sa fille ?

— Mais comment le saurais-je, mon brave homme ? répliqua Joe, qui essayait, tout en faisant quelques range-