Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 1, Hachette, 1911.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
28
BARNABÉ RUDGE

clarté, jaillissant soudain, annonça l’excellence de la bûche pétillante, d’où une magnifique gerbe d’étincelles tourbillonnait sans doute au faîte de la cheminée dans le moment même, en l’honneur de son arrivée ; lorsque, s’ajoutant à ces séductions, il se glissa jusqu’à lui de la lointaine cuisine un doux pétillement de friture, avec un cliquetis musical d’assiettes et de plats, et une odeur savoureuse qui changeait le vent impétueux en parfum, Gabriel sentit par tous ses pores sa fermeté s’en aller. Il essaya de regarder stoïquement la taverne, mais ses traits s’amollirent en un regard de tendresse. Il tourna la tête de l’autre côté ; mais la campagne froide et noire, à l’aspect rébarbatif, parut l’inviter à chercher un refuge dans les bras hospitaliers du Maypole.

« L’homme vraiment humain, Joe, dit le serrurier, est humain pour sa bête. Je vais entrer un petit instant, »

Et, en effet, n’était-il pas bien naturel d’entrer ? ne semblait-il pas contre nature, au contraire, à un homme sage de trimer dans le gâchis des routes, en affrontant les rudes coups de vent et la pluie battante, lorsqu’il y avait là un plancher propre, couvert d’un sable blanc qui craquait sous le pied, un âtre bien balayé, un feu flambant, une table parée de linge d’une blancheur parfaite, des cannelles d’étain éblouissantes, et d’autres préparatifs fort tentants d’un repas bien accommodé ; lorsqu’il y avait là de pareilles choses et une compagnie disposée à y faire honneur, tout cela sous sa main et le conviant avec instance au plaisir !



CHAPITRE III.

Telles furent les pensées du serrurier lorsqu’il s’assit d’abord dans la confortable encoignure, se remettant peu à peu de l’agréable défaillance de sa vue : agréable, disons-nous, parce que, comme elle provenait du vent qui lui avait soufflé dans les yeux, elle l’autorisait, par égard pour lui-