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BARNABÉ RUDGE

même, à chercher un abri contre le mauvais temps. C’est encore le même motif qui lui donna la tentation d’exagérer une toux légère, et de déclarer qu’il ne se sentait pas trop à son aise. Cela se prolongea plus d’une grande heure après, lorsqu’il alla, le souper fini, se rasseoir dans le bon coin bien chaud, écoutant le petit Salomon Daisy, dont la voix ressemblait au gazouillement du grillon, et prenant avec une importance réelle sa bonne part du bavardage commun autour de l’âtre du Maypole.

« Tout ce que je souhaite, c’est que ce soit un honnête homme, dit Salomon (qui résumait diverses conjectures relatives à l’étranger, car Gabriel avait comparé ses observations avec celles de la compagnie, et soulevé par là une grave discussion) ; oui, je souhaite que ce soit un honnête homme.

— Nous le souhaitons tous aussi, je suppose. N’est-ce pas, vous autres ? ajouta le serrurier.

— Moi, non, dit Joe.

— Vraiment ? s’écria Gabriel.

— Non, certes. Il m’a frappé avec son fouet, le lâche, étant à cheval et moi à pied. J’aimerais mieux qu’il fût, en définitive, ce que je crois qu’il est.

— Et que peut-il être, Joe ?

— Rien de bon, monsieur Varden. Vous avez beau secouer la tête, père, je dis que cet homme-là n’est rien de bon ; je répète que ce n’est rien de bon, et je le répéterais cent fois, si cela pouvait le faire revenir pour avoir la volée qu’il mérite.

— Taisez-vous, monsieur, dit John Willet.

— Père, je ne me tairai pas. C’est bien grâce à vous qu’il a osé faire ce qu’il a fait. Il m’a vu traiter comme un enfant, humilier comme un imbécile ; ça lui a donné du cœur, et il a voulu aussi malmener un jeune homme qu’il s’imagine, chose fort naturelle, n’avoir pas un brin de caractère ; mais il se trompe, je le lui ferai voir, et je vous le ferai voir à tous avant peu.

— Ce garçon-là sait-il bien ce qu’il dit ? cria John Willet, grandement étonné.

— Père, répliqua Joe, je sais bien ce que je dis et ce que je veux dire, beaucoup mieux que vous ne faites quand