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BARNABÉ RUDGE

« Je ne ferai rien aujourd’hui, dit M. Tappertit en jetant par terre son ouvrage, que repasser. Je vais repasser tous les outils. Le métier de remouleur va mieux à mon humeur. Joe ! »

Whir-r-r. La meule fut bientôt en mouvement ; on vit jaillir une pluie d’étincelles : c’était l’occupation qu’il fallait à son esprit effervescent.

Whir-r-r-r-r-r-r.

« Ça ne se passera pas comme ça ! dit M. Tappertit, s’arrêtant d’un air de triomphe, et essuyant sur sa manche sa figure échauffée. Ça ne se passera pas comme ça. Je désire qu’il n’y ait pas de sang répandu. »

Whir-r-r-r-r-r-r-r.



CHAPITRE V.

Aussitôt qu’il eut terminé les affaires du jour, le serrurier sortit seul pour visiter le gentleman blessé et s’assurer des progrès de son rétablissement. La maison où il l’avait laissé était dans une rue détournée de Southwark, non loin de London-Bridge ; et ce fut là qu’il se dirigea de toute sa vitesse, bien décidé à s’y arrêter le moins possible et à revenir se coucher de bonne heure.

La soirée était tempétueuse, presque autant que celle de la veille. Un homme solide comme Gabriel, avait de la peine à rester sur ses jambes, au coin des rues, ou à tenir tête au vent, qui se montrait parfois le plus fort et le repoussait en arrière de quelques pas, ou, malgré toute son énergie, le forçait de s’abriter sous une voûte à l’entrée de quelque maison, jusqu’à ce que la bourrasque eût épuisé sa furie. De temps en temps un chapeau ou une perruque, ou l’un et l’autre, arrivaient en filant et roulant, en gambadant devant lui follement, tandis que le spectacle plus sérieux de tuiles et d’ardoises qui tombaient, ou de masses de brique ou de mortier ou de morceaux de pierres de couronnement qui résonnaient sur le trottoir tout à côté de lui, et se brisaient en mille éclats