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BARNABÉ RUDGE

passe qui ne recevait pas une grande variété de clients, et il ne semblait pas que beaucoup de monde choisît cet endroit de préférence pour venir y prendre l’air, ni pour y faire, par agrément, un tour de promenade.



CHAPITRE IX.

Les chroniqueurs ont le privilège d’entrer où ils veulent, d’aller et venir par des trous de serrure, de chevaucher sur le vent, de surmonter dans leur essor, de haut en bas, de bas en haut, tous les obstacles de distance, de temps et de lieu. Trois fois bénie soit cette dernière considération, puisqu’elle nous permet de suivre la dédaigneuse Miggs jusque dans le sanctuaire de sa chambre, et de jouir de sa douce compagnie durant les terribles veilles de la nuit.

Mlle Miggs, après avoir défait sa maîtresse, comme elle s’exprimait (ce qui signifie, l’avoir aidée à se déshabiller), et l’avoir vue bien confortablement au lit dans la chambre de derrière du premier étage, se retira dans son propre appartement, à l’étage de la corniche. Nonobstant sa déclaration en présence du serrurier, elle n’avait pas envie de dormir ; aussi, mettant la lumière sur la table, et écartant le rideau de la petite fenêtre, elle contempla d’un air pensif le vaste ciel nocturne.

Peut-être se demandait-elle avec étonnement quelle étoile était destinée à lui servir de séjour lorsqu’elle aurait parcouru sa petite carrière ici-bas ; peut-être cherchait-elle à pénétrer laquelle de ces sphères brillantes pouvait être le globe natal de M. Tappertit ; peut-être s’émerveillait-elle qu’elles s’abaissassent à regarder cette perfide créature, l’homme, sans en avoir mal au cœur, sans en devenir tout à coup vertes comme les lampes des pharmaciens ; peut-être ne pensait-elle à aucune chose en particulier. Quel que fût l’objet de ses réflexions, elle resta assise là jusqu’à ce que son attention, éveillée par tout ce qui se rattachait à l’insinuant apprenti,