Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/118

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quand il était libre, voilà ce qui s’appelle de la bonne ouvrage, et proprement faite. On le dirait empaillé ! … mais dites donc, camarade, je voudrais vous dire un mot ; à présent que le voilà troussé comme une volaille, et tout préparé pour la chose, ne vaudrait-il pas mieux, pour tout le monde, le dépêcher sans plus tarder ? Ah ! que ça ferait bien dans le journal ! Le public en aurait bien plus de considération pour nous. »

Hugh, comprenant l’intention de son camarade, mieux encore par ses gestes que par sa manière de s’exprimer un peu technique, pour quelqu’un qui n’en avait pas l’habitude, rejeta derechef cette proposition, et prononça le commandement : « En avant ! » qui fut répété au dehors par cent voix en chœur.

« À la Garenne ! cria Dennis, en courant, suivi de tous ceux qui étaient encore dans la maison. À la maison du témoin, camarades ! »

Un cri de rage répondit à cet appel, et la foule tout entière courut, animée par l’amour de la destruction et du pillage. Hugh resta quelques moments encore en arrière pour prendre quelque nouveau stimulant et pour ouvrir toutes les cannelles, qui pouvaient avoir été épargnées ; puis, jetant un dernier coup d’œil sur cette chambre pillée et dévastée, où les émeutiers avaient jeté le Mai lui-même par la fenêtre, car ils l’avaient scié en morceaux, il alluma sa torche, donna une tape sur le dos de John Willet muet et immobile, il balança son luminaire sur sa tête, poussa un cri furieux, et se dépêcha de courir après ses compagnons.


CHAPITRE XIII.

John Willet, laissé seul dans son comptoir démantibulé, continua de rester assis, tout abasourdi ; ses yeux tout grands ouverts montraient bien qu’il était éveillé, mais toutes ses facultés de raison et de réflexion étaient abîmées dans un