Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/120

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discret, qui s’approchait de la maison. Ce pas s’arrêta, avança encore, sembla faire le tour des bâtiments, et finit par venir sous la fenêtre, par laquelle une tête plongea dans la salle.

Les chandelles agitées mettaient ce visage singulièrement en relief sur le fond noir et sombre de la nuit au dehors. Il était pâle, flétri, usé ; les yeux, à raison de sa maigreur, paraissaient naturellement grands et brillants ; les cheveux étaient grisonnants. Il lança un regard pénétrant dans la chambre, en même temps qu’on entendit une voix creuse demander :

« Est-ce que vous êtes seul dans cette maison ? »

John ne fit aucun signe, quoique cette question fût répétée deux fois et qu’il l’eût bien entendue. Après un moment de silence, l’homme entra par la fenêtre. John ne parut pas plus surpris de cela que du reste. Il en avait tant vu monter ou descendre par les croisées en une heure de temps, qu’il ne se rappelait plus seulement qu’il y eût une porte, et qu’il croyait avoir toujours vécu au milieu de ces exercices gymnastiques depuis son enfance.

L’homme portait un grand habit noir passé, et un chapeau rabattu. Il marcha droit à John et le regarda en face. John lui rendit incontinent la monnaie de sa pièce.

« Est-ce qu’il y a longtemps que vous êtes assis là comme ça ? » dit l’homme.

John réfléchit, mais sans pouvoir trouver rien à dire.

« De quel côté sont-ils partis ?

À cette question, expliquez-moi comment il se fit, car je n’y comprends rien, que la forme particulière des bottes de l’étranger trotta dans la tête de M. Willet, qui finit par secouer ces distractions importunes et retomba dans son premier état.

— Ah çà ! vous feriez aussi bien de me répondre, dit l’autre ; ce serait le moyen de conserver au moins votre peau, puisqu’il ne vous reste plus que ça. De quel côté sont-ils partis ?

— Par là, » dit John, retrouvant tout de suite la voix et faisant de bonne foi un signe de tête tout juste dans la direction contraire à l’exacte vérité.

Il faut dire que ses pieds et ses mains étaient liés si étroitement, qu’il ne lui restait plus que le visage pour montrer à l’étranger son chemin.