Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/125

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leur faciliter l’accès de la chambre haute. Presque au même moment, la maison était forcée sur une douzaine de points, et la foule s’écoulait par chaque brèche, comme l’eau déborde à travers une digue rompue.

Il y avait deux ou trois domestiques postés dans le vestibule avec des fusils, dont ils tirèrent un coup ou deux sur les assaillants, quand ils eurent forcé le passage ; mais il n’y eut personne d’atteint, et, voyant leurs ennemis se précipiter comme une légion de diables, ils ne songèrent plus qu’à leur propre sûreté et opérèrent leur retraite, en imitant les cris des assiégeants, dans l’espérance de se confondre avec eux, au milieu du vacarme. Et, en effet, ce stratagème leur réussit ; il n’y eut qu’un pauvre vieillard dont on n’entendit plus jamais reparler ; on lui avait fait, dit-on, sauter la cervelle d’un coup de barre de fer ; un de ses camarades le vit tomber, et son cadavre fut ensuite la proie des flammes.

Une fois maîtres du château, les assiégeants se répandirent à l’intérieur, depuis la cave jusqu’au grenier, et commencèrent leur œuvre de destruction violente. Pendant que quelques groupes allumaient des feux de joie sous les fenêtres, d’autres cassaient les meubles et en jetaient les fragments par la croisée pour alimenter la flamme. Là où l’ouverture dans le mur (car ce n’étaient plus des fenêtres) était assez grande, ils lançaient dans le feu les tables, les commodes, les lits, les miroirs, les tableaux, et, chaque fois qu’ils empilaient quelques pièces nouvelles sur le bûcher, c’étaient de nouveaux cris, de nouveaux hurlements, un tintamarre infernal qui ajoutait encore à l’horreur de l’incendie. Ceux qui portaient des haches et qui avaient passé leur colère sur le mobilier, s’en prenaient après aux portes, aux impostes, qu’ils mettaient en pièces ; ils brisaient les parquets, coupaient les poutres et les solives, sans s’inquiéter s’ils n’allaient pas ensevelir sous des monceaux de ruines les traînards qui n’avaient pas quitté assez tôt l’étage supérieur. Il y en avait qui fouillaient dans les tiroirs, les caisses, les boîtes, les pupitres, les armoires, pour y chercher des bijoux, de l’argenterie, des pièces de monnaie ; d’autres, plus avides de destruction que de gain, les jetaient dans la cour sans seulement y regarder, en invitant ceux d’en bas à les mettre en tas dans le brasier. D’autres, qui étaient descendus à la cave pour y défoncer