Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/14

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le secrétaire faisait mine de vouloir répondre), je n’ai rien de commun avec les adorateurs des idoles. »

À ces mots il lança un coup d’œil à sir John, qui leva les mains et les sourcils, comme pour déplorer la conduite téméraire de M. Haredale, en même temps qu’il adressait à la foule et à son chef un sourire d’admiration.

« Lui ! me répliquer ! cria Haredale en toisant Gashford des pieds à la tête. Un homme qui a commencé par être un voleur, quand il n’était pas plus haut que cela ; qui, depuis, est devenu le fripon le plus servile, le plus faux, le plus éhonté ! un homme qui a rampé à plat ventre toute sa vie, déchirant la main qu’il léchait et mordant ceux qu’il flattait ! un sycophante qui n’a su, de sa vie ni de ses jours, ce que c’est qu’honneur, vérité, courage ; qui, après avoir ravi l’innocence à la fille de son bienfaiteur, l’a épousée pour lui briser le cœur par ses cruels traitements ! Un chien couchant qui allait remuer la queue à la fenêtre de la cuisine pour attraper un morceau de pain ! un mendiant qui demandait trois pence à la porte de nos églises I Voilà l’apôtre de foi dont la conscience délicate renie les autels où la honte de sa vie a été publiquement dénoncée ! … À présent, vous reconnaissez l’homme.

— Oh ! réellement… vous êtes trop, trop sévère avec notre ami, s’écria sir John.

— Laissez continuer M. Haredale, dit Gashford, dont la hideuse figure était, pendant tout ce temps-là, trempée et dégouttante de sueur, il peut bien dire tout ce qu’il voudra, cela m’est aussi indifférent qu’à milord. S’il traite milord lui-même comme vous venez de l’entendre, comment voulez-vous que moi je n’y passe pas à mon tour ?

— Ce n’est pas assez, milord, continua M. Haredale, que moi, un aussi bon gentilhomme que vous, je ne puisse plus garder ma propriété, quelle qu’elle soit, que par une connivence de l’État, effrayé lui-même des lois cruelles dirigées contre nous ; que nous ne puissions plus faire apprendre à nos enfants, dans les écoles, les premiers éléments du bien et du mal : il faut encore qu’on lâche après nous des dénonciateurs comme cet homme-là ! En voilà un brillant chef de file pour donner le signal à vos cris de : « Pas de papistes ! « Fi donc ! fi donc ! »

La noble dupe, lord Georges Gordon, avait plus d’une fois