Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/155

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de police, dont il ne prit aucun souci, tant il montrait d’indifférence, on lui annonça qu’il allait se rendre à Newgate, et on l’emmena.

Quand il fut dans la rue, il était si bien entouré des deux côtés par les soldats qui le pressaient qu’il ne pouvait rien voir. Seulement, au murmure qu’il entendit, il reconnaissait la présence d’une foule considérable, et la mauvaise disposition des assistants pour la troupe, qui se manifestait par des malédictions et des coups de sifflets. Avec quelle ardeur il prêtait l’oreille pour démêler la voix de Hugh ! Mais non, dans toutes ces voix confuses, il n’y en avait pas une qu’il connût. Hugh ne serait-il pas aussi prisonnier par hasard ? alors, adieu l’espérance !

À mesure qu’ils approchaient de la prison, les huées du peuple devenaient plus violentes. On jetait des pierres à la troupe. De temps en temps on faisait contre les soldats une poussade qui leur faisait perdre un moment l’équilibre. L’un d’eux, tout près de lui, atteint d’un coup à la tempe, mit son fusil en joue ; mais l’officier releva l’arme avec son sabre, en lui défendant, sous peine de mort, de tirer. Ce fut là le dernier incident que Barnabé put voir d’une manière un peu distincte : car immédiatement après, il fut poussé, ballotté, agité comme une barque sur une mer orageuse. Mais, c’est égal, qu’on poussât par-ci ou par-là, il retrouvait toujours fidèlement ses gardes à ses côtés. Deux ou trois fois il fut renversé avec eux ; mais, même alors, il ne pouvait échapper un seul moment à leur vigilance. Ils étaient debout sur leurs pieds, et le serraient de près, avant que leur prisonnier, embarrassé d’ailleurs par ses menottes, eût pu seulement songer à jouer des jambes.

Ainsi gardé, il se sentit bientôt hissé et soulevé jusqu’au haut d’un étage d’escalier, d’où il put un moment embrasser, d’un coup d’œil, les assauts livrés par la foule aux soldats, qu’on voyait çà et là faisant des efforts désespérés pour rejoindre leurs camarades. Puis, le moment d’après, tout devint sombre et ténébreux. Il se trouva dans le corridor de la prison, au centre d’un groupe d’hommes inconnus.

Il y avait là un serrurier qui l’attendait pour river ses fers. Trébuchant sous le poids inaccoutumé des chaînes dont il était chargé, il fut conduit à un cachot solide, en pierre de