Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/193

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À toutes ces questions précipitées, l’autre ne répondit pas un mot : il n’y eut que Grip qui croassa de toutes ses forces, sautillant autour d’eux, tout autour, comme s’il les enveloppait dans un cercle magique, pour invoquer sur eux toutes les puissances du mal.


CHAPITRE XXI.

Pendant le cours de cette journée, tous les régiments de Londres ou des environs furent de service dans quelque quartier de la ville. Les troupes régulières et la milice, dispersées en province, reçurent l’ordre, dans chaque caserne et dans chaque poste à vingt-quatre heures de marche, de commencer à se diriger sur la capitale. Mais les troubles avaient pris une proportion si formidable, et, grâce à l’impunité, l’émeute était devenue si audacieuse, que la vue de ces forces considérables, continuellement accrues par de nouveaux renforts, au lieu de décourager les perturbateurs, leur donna l’idée de frapper un coup plus violent et plus hardi que tous les attentats des jours précédents, et ne servit qu’à allumer dans Londres une ardeur de révolte qu’on n’y avait jamais vue, même dans les anciens temps de la révolution.

Toute la veille et tout ce jour-là, le commandant en chef essaya de réveiller chez les magistrats le sentiment de leur devoir, et, en particulier chez le lord-maire, le plus poltron et le plus lâche de tous. À plusieurs reprises, on détacha, dans ce but, des corps nombreux de soldats vers Mansion-House pour attendre ses ordres. Mais, comme ni menaces ni conseils ne faisaient rien sur lui, et que la troupe restait là en pleine rue, sans rien faire de bon, exposée plutôt à de mauvaises conversations, ces tentatives louables firent plus de mal que de bien. Car la populace, qui n’avait pas tardé à deviner les dispositions du lord-maire, ne manquait pas non plus d’en tirer avantage pour dire que les autorités ci-