Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/281

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Il y avait dans cette réponse un reproche qui ne pouvait manquer son effet sur un caractère confiant et généreux comme celui de miss Haredale ; mais Dolly, qui n’était pas si candide, n’en fut pas touchée le moins du monde, et continua de la conjurer, dans les termes de l’affection et de l’attachement les plus tendres, de ne pas s’y laisser prendre.

« Le temps presse, dit leur visiteur, qui, malgré ses efforts pour leur témoigner le plus vif intérêt, avait jusque dans son langage une certaine froideur qui glaçait l’oreille, et le danger nous menace. Si je m’y suis exposé pour vous en vain, à la bonne heure ; seulement promettez-moi, si nous nous retrouvons jamais, de me rendre témoignage. Si vous êtes décidée à rester, comme je le suppose, rappelez-vous, mademoiselle Haredale, que je n’ai pas voulu vous quitter sans vous donner un avertissement solennel, sans me laver les mains de toutes les conséquences dont vous voulez courir les risques.

— Arrêtez, monsieur, cria Emma…. encore un moment, je vous prie. Ne pouvez-vous pas, et elle tenait Dolly serrée plus près encore de son cœur, ne pouvez-vous pas nous emmener ensemble ?

— C’est déjà une tâche assez difficile, répondit-il, d’emmener une femme en toute sûreté, au milieu des scènes que nous allons rencontrer, sans compter que nous devons éviter d’attirer l’attention de la foule rassemblée dans les rues. Je vous ai dit qu’elle sera rendue cette nuit à ses parents. Si vous acceptez mon offre de services, mademoiselle Haredale, je vais la faire à l’instant placer sous bonne garde pour acquitter ma promesse. Êtes-vous décidée à rester ? Il y a, en ce moment, des gens de tout rang et de toute religion qui cherchent à se sauver de la ville, saccagée d’un bout à l’autre. Permettez-moi d’aller voir si je ne puis pas me rendre utile à quelques autres. Partez-vous ou restez-vous ?

— Dolly, dit Emma d’un ton précipité, ma chère enfant, nous n’avons plus que cette seule espérance. Si nous nous séparons à présent, c’est seulement pour nous retrouver plus tard heureuses et honorées. Je me confie à ce gentleman.

— Non…. non…. non, criait Dolly, qui ne voulait pas la lâcher ; je vous en prie, je vous en supplie, n’en faites rien.