Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/295

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nabé était assis dans son cachot, s’étonnant du silence, et attendant en vain le bruit et les clameurs qui avaient troublé les nuits précédentes. À côté de lui était assis, la main dans la sienne, une compagne dont la présence mettait son âme en paix. Elle était pâle, bien changée, accablée de chagrin, et elle avait le cœur bien gros ; mais elle était pour lui toujours la même.

« Ma mère, dit-il après un long silence, combien de temps encore…. combien de jours et de nuits…. vont-ils me retenir ici ?

— Pas beaucoup, mon enfant ; pas beaucoup, j’espère.

— Vous espérez ! c’est bon, mais ce n’est pas avec des espérances que vous ferez tomber mes chaînes. Moi aussi j’espère, mais cela leur est bien égal. Grip espère ; mais qui est-ce qui se soucie de Grip ? »

Le corbeau poussa un petit cri triste et mélancolique. « Personne, dit-il, aussi clairement que peut parler un corbeau.

— Qui est-ce qui se soucie de Grip, excepté vous et moi ? dit Barnabé, passant la main sur les plumes ébouriffées de l’oiseau. Il ne parle jamais ici ; il ne dit pas un mot en prison. Il est là à se morfondre toute la journée dans son petit coin noir, tantôt faisant un somme, tantôt regardant le jour qui se glisse à travers les barreaux et qui brille dans son œil, perçant comme une étincelle de ces grands feux qui viendrait à tomber dans la chambre, et qui brûlerait encore, Mais qui est-ce qui se soucie de Grip ?

Le corbeau croassa encore : « Personne.

— Et à propos, dit Barnabé, retirant sa main de l’oiseau pour la mettre sur le bras de sa mère, en la regardant fixement en face, s’ils me tuent, car c’est bien possible, j’ai entendu dire qu’ils me tueraient ; que deviendra Grip, quand ils m’auront fait mourir ? »

Le son du mot ou le courant de ses propres pensées suggéra à l’oiseau sa vieille sentence : « N’aie pas peur de mourir. » Seulement il s’arrêta au beau milieu, tira un bouchon mélancolique, et finit par un croassement languissant, comme s’il ne se sentait pas le courage d’aller jusqu’au bout de sa phrase, quoiqu’elle ne fût pas bien longue.

« Est-ce qu’ils lui ôteront la vie comme à moi ? dit Barnabé.