Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/306

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le suivit en silence, jusqu’à ce qu’il se fût arrêté devant la porte.

— C’est là ma résidence, n’est-ce pas ? demanda-t-il d’un air facétieux.

— Oui, voilà la boutique, monsieur, » répliqua l’autre. Dennis se disposait à y entrer, d’assez mauvaise grâce, quand tout à coup il s’arrêta et recula tout saisi. « Eh bien ! dit le geôlier, comme vous voilà ému !

— Hum ! dit Dennis à voix basse et fort alarmé. Il y a de quoi ! Fermez cette porte.

— C’est ce que je vais faire, quand vous serez entré.

— Mais je n’entrerai pas du tout. Je ne veux pas qu’on m’enferme avec cet homme-là. Est-ce que vous avez envie de me faire étrangler, camarade ? »

Le geôlier n’avait pas l’air d’avoir la moindre envie pour ou contre ; mais lui faisant observer en deux mots qu’il avait sa consigne, et qu’il voulait l’exécuter, il ferma la porte par-dessus lui, tourna la clef et se retira.

Dennis se tenait tout tremblant le dos contre la porte, et levant le bras par un mouvement involontaire pour se mettre en défense, les yeux fixés sur un homme, le seul locataire pour le moment du cachot, qui était étendu tout de son long sur un banc de pierre, et qui venait de suspendre sa respiration comme s’il était en train de se réveiller. Cependant il se roula sur le côté, laissa pendre son bras négligemment, poussa un long soupir et, murmurant quelques mots inintelligibles, retomba aussitôt dans le sommeil.

Légèrement rassuré par ce répit, le bourreau détourna un moment les yeux de son compagnon endormi, et jeta un coup d’œil autour du cachot pour voir s’il ne trouverait pas quelque endroit favorable ou quelque arme propice pour se défendre. Il n’y avait pas d’autre meuble qu’une mauvaise table, qu’on ne pouvait déranger sans faire du bruit, et une lourde chaise. Il se glissa sur la pointe du pied vers ce dernier article de mobilier, l’emporta dans le coin le plus reculé, et le mettant devant lui pour s’en faire un rempart, il surveilla de là les mouvements de l’ennemi avec la plus grande vigilance et une extrême défiance.

L’homme qui dormait là, c’était Hugh. Et naturellement Dennis devait se trouver dans un état d’attente assez pénible,