Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/311

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connues, tenait tant à poursuivre le cours, il n’eut pas d’autre alternative que d’attendre, aussi patiemment qu’il le put, le bon plaisir du dormeur.


CHAPITRE XXXIII.

Un mois s’est écoulé…. Nous sommes dans la chambre à coucher de sir John Chester. À travers la fenêtre entr’ouverte, le jardin du Temple paraît vert et agréable. La paisible rivière, égayée par des bateaux et des barques, sillonnée par le battement des rames, étincelle au loin. Le ciel est clair et bleu, et l’air suave de l’été pénètre doucement dans la chambre, qu’il remplit de ses parfums. La ville même, cette ville de fumée, est radieuse. Ses toits élevés, ses clochers, ses dômes, ordinairement noirs et tristes, ont pris une teinte de gris clair qui est presque un sourire. Toutes les vieilles girouettes dorées, les boules, les croix qui surmontent les édifices, brillent à nouveau au gai soleil du matin, et bien haut, au-dessus de tous les autres, domine Saint-Paul, montrant sa crête majestueuse d’or bruni.

Sir John était en train de déjeuner dans son lit. Son chocolat et sa rôtie étaient placés près de lui sur une petite table. Des livres et des journaux étaient étalés sur le couvre-pied, et, s’interrompant tantôt pour jeter un coup d’œil de satisfaction tranquille autour de sa chambre rangée dans un ordre parfait, tantôt pour contempler d’un air indolent le ciel azuré, il continuait de manger, de boire et de lire les nouvelles, en homme qui sait savourer les douceurs de la vie élégante.

La joyeuse influence du matin semblait produire quelque effet, même sur son humeur toujours uniforme. Ses manières étaient plus gaies qu’à l’ordinaire, son sourire plus serein et plus agréable, sa voix plus claire et plus animée. Il déposa le journal qu’il venait de lire, se renfonça dans son oreiller de l’air d’un homme qui s’abandonne au cours