Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/338

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Mais tout cela ne faisait encore qu’ajouter à son crime. C’était le comble de l’audace. Ainsi l’avait déclaré l’arrêt ; il fallait bien que cela fût. Le bon ministre lui-même avait été grandement choqué, pas plus tard qu’un quart d’heure avant, de voir comme il avait fait des adieux à Grip. Un homme, dans sa position, s’amuser à caresser un oiseau !…

La cour était pleine de gens : de fonctionnaires civils de bas étage, d’officiers de justice, de soldats, d’amateurs et d’étrangers qu’on avait invités à venir là comme à la noce. Hugh regardait autour de lui, faisait d’un air sombre un signe de tête à quelque autorité qui lui indiquait de la main par où il devait avancer, et, donnant une tape sur l’épaule de Barnabé, il passait outre avec la démarche d’un lion.

Ils entrèrent dans une grande chambre, si voisine de l’échafaud qu’on pouvait de là très-bien entendre ceux qui se tenaient contre les barrières, demander avec instance aux hallebardiers de les enlever de la foule où ils étouffaient, et d’autres crier à ceux de derrière de reculer, au lieu de les fouler à les écraser, et de les suffoquer faute d’air.

Au milieu de cette chambre, deux serruriers, avec leurs marteaux, se tenaient près d’une enclume. Hugh alla droit à eux, et plaça son pied si hardiment sur l’enclume, qu’il la fit résonner comme sous le coup de quelque arme pesante. Puis, croisant les bras, il resta debout pour se faire ôter ses fers, promenant hautement dans la salle ses yeux menaçants sur ceux qui étaient là à le dévisager en se chuchotant à l’oreille.

On perdit tant de temps à traîner Dennis, que la cérémonie était finie pour Hugh et presque pour Barnabé avant qu’il parût. Cependant il ne fut pas plus tôt à cette place qu’il connaissait si bien, et au milieu de figures qui lui étaient si familières, qu’il retrouva assez de force et de sentiment pour joindre les mains et faire un dernier appel à la pitié.

« Messieurs, mes bons messieurs, cria cette abjecte créature, rampant sur ses genoux, et finissant par se jeter tout de son long étendu sur les dalles : gouverneur, cher gouverneur…. honorables shériffs…. mes dignes gentlemen, prenez pitié d’un pauvre homme qui a vécu au service de Sa Majesté, de la justice, du parlement, et…. ne me laissez pas mourir…. par une méprise.