Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/342

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Hugh fit signe à Barnabé de ne pas l’approcher (sans porter les yeux de son côté), et répondit : « Rien de plus. En avant ! À moins, dit Hugh, jetant avec vivacité un regard derrière lui, à moins qu’il n’y ait parmi vous quelqu’un qui ait envie d’un chien, et encore à la condition qu’il le traitera bien. J’en ai un qui m’appartient dans la maison d’où je viens, et il serait difficile d’en trouver un meilleur. Il commencera bien par hogner un peu, mais ça passera…. Cela vous étonne que je pense à un chien dans un moment comme ça, ajouta-t-il presque en riant ; mais, voyez-vous, si je connaissais un homme qui le méritât seulement à moitié autant que lui, ce n’est pas au chien que je penserais. »

Il n’ajouta plus un mot et alla prendre sa place, d’un air insouciant, tout en écoutant cependant le service des morts, avec quelque chose comme une attention sombre ou une curiosité vivement excitée. Aussitôt qu’il eut passé la porte, on emporta son misérable compagnon de supplice…. et la foule vit le reste.

Barnabé aurait volontiers monté les marches en même temps qu’eux…. il avait même voulu les devancer ; mais on le retint les deux fois, parce que c’était ailleurs qu’il devait subir sa peine. Quelques minutes après, les shériffs reparurent. La même procession reprit sa marche à travers un grand nombre de passages et de corridors, pour passer par une autre porte où la charrette attendait. Il baissa la tête pour éviter de voir ce qu’il savait bien que ses yeux ne manqueraient pas de rencontrer sans cela, et s’assit tristement, quoiqu’avec un certain orgueil et une certaine joie d’enfant…. sur le véhicule. Les aides prirent leurs places à côté, devant et derrière. Les voitures des shériffs vinrent après. Un détachement de soldats entoura le tout, et on se mit lentement en route à travers les rangs pressés de la foule, pour arriver à la maison en ruines de lord Mansfield.

C’était bien triste à voir…. tout cet appareil, toute cette force déployée, toutes ces baïonnettes étincelantes autour d’une créature sans défense…. Mais ce qui était plus triste encore, c’était de remarquer comme tout le long du chemin ses pensées errantes trouvaient un étrange encouragement dans le spectacle de ces fenêtres garnies de curieux et