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Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/355

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— Vous vous jugez trop sévèrement, dit Édouard. Laissons cela de côté.

— Non, cette trahison se dresse pour ma condamnation ; je regarde en arrière, et ce n’est pas aujourd’hui la première fois, répondit-il. Je ne peux pas me séparer de vous sans obtenir mon pardon plein et entier. Car je n’ai plus guère de temps à passer dans la vie commune du monde, et j’ai déjà bien assez de regrets à emporter dans la solitude à laquelle désormais je me voue, sans en grossir le nombre.

— Vous n’emporterez de nous d’eux, dit-elle, que des bénédictions. Ne mêlez jamais le souvenir de votre Emma…. qui vous doit tant d’amour et de respect…. avec aucun autre sentiment que celui d’une affection et d’une reconnaissance éternelles pour le passé, et les vœux les plus ardents pour votre félicité à venir.

— L’avenir, reprit son oncle avec un sourire mélancolique, est un mot plein de bonheur pour vous, et son image doit vous apparaître entourée d’une guirlande de joyeuses espérances. Mais, pour moi, c’est autre chose : puisse-t-il être seulement un temps de paix, exempt de soucis et de haine ! Quand vous quitterez l’Angleterre, je la quitterai comme vous. Il y a sur le continent des cloîtres, mon seul asile, maintenant que les deux grands vœux de ma vie sont satisfaits. Cela vous fait de la peine, parce que vous oubliez que je deviens vieux, et que me voilà bientôt au bout de ma carrière. Allons ! nous en reparlerons…. plutôt deux fois qu’une, et je vous demanderai, Emma, vos bons conseils.

— Pour les suivre ? lui dit sa nièce.

— Au moins les écouterai-je, répondit-il en l’embrassant, et je vous promets que je les prendrai en considération. Voyons ! n’ai-je pas encore quelque chose à vous dire ? Vous vous êtes vus beaucoup depuis quelque temps. Il vaut mieux il est plus convenable que je laisse de côté les circonstances du passé qui avaient causé votre séparation et semé entre nous le soupçon et la défiance.

— Oui, oui, cela vaut beaucoup mieux, répéta tout bas Emma.

— J’avoue la part que j’y ai prise à cette époque, dit M. Haredale, tout en me le reprochant. Cela prouve qu’on ne doit jamais s’écarter, si peu que ce soit, du bon chemin, du