Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/37

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« Mais, répondit-il, mon bon ami, ça ne se trouve pas comme ça à rester le derrière sur sa chaise.

— Sur sa chaise ! cria Barnabé s’étirant les manches ; ce n’est toujours pas moi que vous voulez dire ; ou bien vous vous trompez joliment, moi qui suis souvent à courir avant le lever du soleil, pour ne rentrer à la maison qu’à la nuit. Vous me trouveriez dans les bois avant que le soleil en ait chassé l’ombre, et j’y suis bien des fois encore après que la lune brille au ciel, et regarde à travers les branches pour voir l’autre lune qui demeure dans l’eau. En allant à droite, à gauche, je cherche bien à trouver, dans l’herbe et dans la mousse, s’il n’y a pas quelqu’une de ces pièces de monnaie pour lesquelles elle se donne tant de mal à travailler et verse tant de larmes. Et, quand je suis couché à l’ombre, où je m’endors, c’est encore pour en rêver… Je rêve que j’en déterre des tas, que j’en vois des cachettes dans les broussailles, que je les vois étinceler dans le feuillage, comme des gouttes de rosée. Mais, avec tout cela, je n’en trouve jamais. Dites-moi donc où il y en a. Fallût-il un an pour y aller, j’y vais ; parce que je sais bien comme vous qu’elle serait plus heureuse si elle m’en voyait revenir chargé. Parlez donc, je vous écoute, dussé-je vous prêter l’oreille toute la nuit. »

L’aveugle passa légèrement sa main sur toute la personne du pauvre diable ; et, voyant qu’il avait les coudes plantés sur la table, le menton appuyé sur ses deux mains, qu’il se penchait avidement en avant, montrant dans toute son attitude l’intérêt et l’impatience dont il était animé, il s’arrêta une minute avant de lui répondre, pour laisser la veuve considérer la chose à loisir.

« C’est dans le monde, mon brave Barnabé, c’est dans les joyeux amusements du monde : ce n’est pas dans des endroits solitaires comme ceux où vous passez votre temps ; c’est dans les foules, au milieu du bruit et du tapage.

— Bravo ! bravo ! cria Barnabé, en se frottant les mains. À la bonne heure ! Voilà ce que j’aime. Et Grip aussi. Voilà ce qu’il nous faut à tous les deux. Bravo !

— Dans les endroits, continua l’autre, comme il en faut à un jeune gars qui aime sa mère et qui peut faire là pour elle, et pour lui, par-dessus le marché, en moins d’un mois, ce