Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/78

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Square. Mais ce qu’on dit, vous savez… Vous n’allez pas par là ?

— Est-ce encore pour ne rien faire, mon maître ? cria Hugh. Diable ! il ne faut pas que Barnabé et moi nous allions passer par la geôle, et peut-être par la potence. Nous allons leur en ôter la fantaisie. Ah ! on a besoin de chefs ! Allons, les amis, à l’ouvrage !

— Quel garçon impétueux ! cria le secrétaire. Ah ! ah ! en voilà un gaillard qui n’a pas peur ! Quel feu, quelle véhémence ! C’est un homme qui… »

Mais ce n’était pas la peine d’achever sa phrase : les autres s’étaient déjà précipités hors de la maison, et ne pouvaient déjà plus l’entendre. Il s’arrêta donc au milieu d’un éclat de rire, prêta l’oreille, ajusta ses gants, croisa ses bras derrière son dos, et, après avoir assez longtemps parcouru à grands pas la salle déserte, il dirigea sa marche du côté de la Cité, et prit par les rues.

Elles étaient pleines de monde, car les événements du jour avaient fait grand bruit. Les gens qui n’étaient pas curieux de s’éloigner de chez eux étaient à leurs croisées ou sur le pas de leurs portes, et l’on n’avait partout qu’un même sujet de conversation. Les uns racontaient que l’émeute était tout à fait dissipée ; les autres qu’elle venait de recommencer : il y en avait qui prétendaient que lord Georges Gordon avait été envoyé sous bonne garde à la Tour ; d’autres, qu’il y avait eu un attentat contre la vie du roi, qu’on avait rappelé la troupe, et qu’il n’y avait pas une heure qu’on avait entendu distinctement, au bout de la ville, un feu de peloton. À mesure que la nuit devenait plus sombre, les nouvelles devenaient aussi plus effrayantes et plus mystérieuses ; et souvent il suffisait d’un passant qui annonçait en courant que les agitateurs n’étaient pas loin, qu’ils allaient être bientôt arrivés, pour faire aussitôt fermer et barricader les portes, assurer les fenêtres basses, enfin pour jeter autant de consternation et d’épouvante que si la ville venait d’être envahie par une armée étrangère.

Gashford se promenait partout à la sourdine, écoutant, pour les répandre plus loin à son tour, ou pour les confirmer de son témoignage, toutes les fausses rumeurs qui pouvaient servir à ses fins. Tout entier à ce soin, il venait