Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/99

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front avec lui, sans avoir l’air de le connaître ni de lui parler, lui glissa ces mots dans l’oreille :

« Eh bien ! maître, est-ce mieux ?

— Non, dit Gashford, c’est toujours la même chose.

— Qu’est-ce que vous demandez donc ? dit Hugh. La fièvre ne commence pas par son paroxysme : elle va pas à pas.

— Ce que je demande, dit Gashford en lui pinçant le bras de manière à lui laisser imprimée dans la chair la marque de ses ongles, ce que je demande, c’est que vous mettiez quelque méthode dans votre besogne, imbéciles que vous êtes ! Vous ne pouvez pas nous faire d’autres feux de Saint-Jean qu’avec des planches ou des chiffons de papier ? Vous n’êtes pas seulement en état de nous faire tout de suite un incendie en grand ?

— Un peu de patience, notre maître ! dit Hugh. Je ne vous demande que quelques heures et vous verrez ; vous n’aurez qu’à regarder le ciel demain soir, si vous voulez voir une aurore boréale. »

Là-dessus il recula d’un pas, pour reprendre son rang près de Barnabé, et, quand le secrétaire porta sur lui les yeux, ils avaient déjà l’un et l’autre disparu dans la foule.


CHAPITRE XI.

Le jour du lendemain fut annoncé au monde par de joyeux carillons et par des coups de canon tirés à la Tour. On hissa des drapeaux sur un grand nombre de flèches des clochers de la ville. En un mot, on accomplit toutes les cérémonies d’usage en l’honneur du jour anniversaire de la naissance du roi, et chacun s’en alla vaquer à ses plaisirs ou à ses affaires, comme si Londres était dans un ordre parfait, et qu’il n’y eût pas encore dans quelques-uns de ses quartiers des cendres chaudes qui allaient se rallumer aux approches de la nuit pour répandre au loin la désolation et la ruine.