Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

née, si vous avez quelque chose à me communiquer, dites-le vite, s’il vous plaît.

— Vous vous êtes conduit envers moi comme un cancre, monsieur.

— Hein ? fait l’avoué en se frottant le nez avec sa clef.

— Oui, monsieur, comme un cancre, et c’est moi qui vous le dis ; vous m’avez tiré les vers du nez ; vous m’avez demandé de vous montrer la robe que milady m’avait empruntée un certain soir ; vous m’avez fait venir ici avec ce balayeur ; enfin vous m’avez entortillée, attrapée de toutes les manières. Est-ce vrai tout ce que je dis là ? demande Mlle Hortense avec un mouvement saccadé, comme un ressort qui se détend tout à coup.

— Vipère, » dit en lui-même le procureur, qui la regarde avec défiance et qui lui répond :

« Eh bien ! quoi ! je vous ai payée, coquine.

— Vraiment ! dit l’étrangère d’une voix dédaigneuse ; vous m’avez payée ! Les voilà vos deux souverains ; je ne les ai pas changés ; non, monsieur ; et je n’en veux pas encore. Je les refuse, entendez-vous ? et je les jette. »

Elle lance effectivement sur le parquet les deux souverains, qui rebondissent et vont rouler dans les coins où ils s’arrêtent après avoir tournoyé sur eux-mêmes.

« Ah ! vous m’avez payée ! » reprend Mlle Hortense, dont les grands yeux s’assombrissent de plus en plus. « Mon Dieu, oui ! je le reconnais ; vous m’avez donné de l’or ! »

M. Tulkinghorn se gratte la tête avec sa clef, pendant que Mlle Hortense remplit la salle de son rire sarcastique.

« Il faut que vous soyez bien riche pour jeter ainsi votre argent, ma belle amie, répond l’avoué d’un ton calme.

— Oui, je suis riche ; oui, monsieur, riche de haine ; j’exècre milady ; vous le savez bien, n’est-ce pas ?

— Et comment le saurais-je ?

— Faites donc votre étonné ; vous savez parfaitement que j’étais enragée contre elle quand vous m’avez questionnée.

— Je le savais ? dit M. Tulkinghorn en examinant la clef qu’il tient toujours.

— Sans doute que vous le saviez ; j’y vois clair, peut-être ! Vous ne vous êtes adressé à moi que parce que vous en étiez sûr ; et vous aviez raison. Je la dé-teste, dit Mlle Hortense en croisant les bras et en jetant par-dessus l’épaule ce dernier mot au procureur.

— Est-ce là tout ce que vous avez à me dire, mademoiselle ?