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qu’autrefois ces personnes-là avaient été rappelées à la vie, seulement pour nous apprendre qu’un jour nous ressusciterons dans le ciel.

Mais, soit qu’elle eût sa raison ou qu’elle fût en délire, jamais sa résignation et sa douceur ne l’abandonnèrent un instant ; que de fois je me rappelai le soir où, plein de confiance en Dieu, son pauvre père invoquait pour elle, avec ferveur, l’ange gardien qui devait veiller sur elle !

Charley ne mourut pas ; elle échappa lentement au péril et fut enfin convalescente ; peu à peu l’espoir qu’elle ne serait pas défigurée gagna plus de consistance, et j’eus la satisfaction de lui voir reprendre sa fraîcheur et ses traits d’autrefois.

Ce fut un grand jour lorsque je pus annoncer à Éva la convalescence de Charley ; et ce fut aussi un beau soir que celui où, tout à fait guérie, la pauvre enfant quitta sa chambre et vint prendre le thé avec moi dans la petite pièce voisine ; mais, ce soir-là, je fus à mon tour saisie par le frisson. Charley était couchée ; elle dormait paisiblement quand je n’eus plus aucun doute sur la nature du mal dont je me sentais atteinte. Le lendemain matin, je me trouvai assez bien pour me lever de bonne heure afin de répondre à Éva, qui était sous ma fenêtre et m’envoyait son bonjour ; mais j’avais un vague souvenir de m’être promenée la nuit dans ma chambre sous l’influence de la fièvre ; et j’éprouvais comme une plénitude intérieure, une sensation bizarre qui me faisait croire à une enflure générale ; enfin, dans la soirée, je devins tellement malade, que je résolus d’en avertir Charley.

«  Te voilà tout à fait bien ? lui dis-je.

— Tout à fait, répondit-elle.

— Assez bien pour que je te confie un secret ?

— Oui, miss, » répliqua joyeusement la chère enfant ; mais aussitôt sa figure s’attrista, car elle voyait sur la mienne ce que j’avais à lui dire, et, se jetant dans mes bras, elle s’écria tout en larmes : « C’est ma faute, oh ! mon Dieu ! vous êtes malade à cause de moi ; » et bien d’autres paroles qui s’échappaient de son cœur.

«  Maintenant, continuai-je, c’est sur toi que repose toute ma confiance, et, pour ne pas la tromper, il faut que tu sois aussi calme et aussi forte pour moi que tu l’as été pour toi-même.

— Laissez-moi pleurer encore un peu, dit-elle, rien qu’un peu, et je serai bien sage après, chère miss ! »

Les larmes me viennent aux yeux quand je me rappelle avec quelle affection et quel dévouement elle m’embrassa en me faisant cette promesse. Je la laissai donc pleurer comme elle voulut, et cela nous fit du bien à toutes les deux.