Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/220

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— Au contraire, elle aura beaucoup de plaisir à le voir. Elle l’a souvent rencontré chez miss Flite, et je lui ai entendu dire qu’il lui inspirait grande confiance.

— À merveille, reprit mon tuteur ; je le verrai demain et je lui en parlerai. »

Il me sembla, pendant toute cette conversation, qu’Éva se rappelait m’avoir prise dans ses bras en me regardant avec joie le jour où Caddy même m’avait apporté le bouquet de M. Woodcourt ; et je compris qu’en lui cachant plus longtemps que je devais être un jour la maîtresse de Bleak-House, je me rendais moins digne à mes propres yeux de l’amour de M. Jarndyce. Le soir donc, après être remontées dans notre chambre et avoir attendu que minuit fût sonné, pour être la première à lui souhaiter sa fête et à la presser sur mon cœur, je lui fis part de la bonté de son cousin John et de l’heureux avenir qui m’attendait auprès de lui. Si jamais elle me témoigna une vive tendresse, ce fut bien cette nuit-là, et je me sentis dix fois plus heureuse qu’avant de lui avoir tout confié.

Le lendemain nous étions à Londres, installés dans notre ancien logement, qu’il nous semblait n’avoir jamais quitté. M. Woodcourt vint dîner avec nous pour célébrer la majorité d’Éva, et nous fûmes aussi joyeux qu’il était possible de l’être sans Richard, dont l’absence se faisait cruellement sentir en pareille occasion. Je fus ensuite pendant plus de deux mois presque toujours chez Caddy, et c’est à peine si pendant ce temps-là j’eus l’occasion de parler à ma chère fille, car l’état de ma pauvre malade était si douloureux, que j’y passais une grande partie des nuits.

Quelle bonne créature que cette chère Caroline ; si oublieuse d’elle-même, si préoccupée des autres, ne se plaignant jamais ; craignant toujours de causer de l’embarras et songeant sans cesse aux fatigues de son mari et au bien-être de son beau-père ! Je n’ai jamais rencontré personne de meilleur ; je ne puis pas rendre le singulier effet que produisait sur moi cette créature douce et pâle, étendue depuis si longtemps sur un lit de douleur, dans une maison où la danse était la grande affaire de la vie ; où dès le matin le violon se faisait entendre, et où l’apprenti valsait tout seul dans la cuisine pendant toute la soirée.

J’avais, à la demande de Caroline, arrangé un peu sa chambre et roulé son lit à l’endroit le plus clair et le plus aéré de la pièce. Chaque jour, après avoir tout nettoyé, tout disposé autour d’elle, je mettais dans ses bras ma toute petite filleule, et je m’asseyais auprès de son lit pour travailler en causant ou pour lui