Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/301

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la vieille femme de charge, qui est assise auprès de lui, comprend ce qu’il veut écrire et lui dit à voix basse :

« Non, sir Leicester ; il n’est pas encore revenu ; il était bien tard quand il vous a quitté, cette nuit ; il n’y a pas encore assez longtemps qu’il est parti.

Le baronnet laisse échapper le crayon et reporte ses regards vers la fenêtre jusqu’au moment où, ébloui par la neige qui tourbillonne, il ferme les yeux pour échapper au vertige, et les rouvre quelques instants après. Il est encore de bonne heure ; mais il fait froid, le temps est humide, et il veut que l’appartement de milady soit prêt à la recevoir ; qu’on y fasse de grands feux, et que tous les gens de la maison sachent bien qu’on attend leur maîtresse.

« Je vous en prie, veillez vous-même à tout cela, » écrit-il sur l’ardoise, et mistress Rouncewell obéit au malade.

Elle a le cœur bien gros, la pauvre femme, « car, dit-elle à son fils qui est en bas dans la salle, j’ai bien peur, mon enfant, que milady ne rentre jamais ici.

— Un triste pressentiment qu’il faut chasser, ma mère.

— Ni à Chesney-Wold non plus, mon fils.

— Pourquoi cela, ma mère ?

— Hier, quand j’ai vu milady, Georges, il m’a semblé voir dans ses traits que le revenant qui la poursuit depuis longtemps avait fini par l’atteindre.

— Allons, chère mère, allons, c’est cette vieille histoire qui vous trotte dans la tête.

— Non, mon enfant, non ; il y a bientôt soixante ans que je suis dans la maison, et jamais je n’ai ressenti de pareilles craintes ; l’ancienne famille des Dedlock va s’éteindre.

— J’espère que non, ma mère.

— Je remercie Dieu d’avoir vécu assez longtemps pour être auprès de sir Leicester pendant cette maladie, et pour le soigner au milieu de son affliction ; car je sais qu’il me préfère à tout autre dans ses moments de souffrance ; mais les pas du revenant ont poursuivi trop longtemps milady ; elle tombera pour ne plus se relever.

— J’espère que vous vous trompez, ma mère.

— Je voudrais te croire, mon enfant ; mais je ne peux pas ; et si mes craintes se réalisent, qui est-ce qui osera lui dire la vérité ?

— Est-ce ici l’appartement de milady, ma mère ?

— Oui, le voici tel qu’elle l’a laissé.

— Je commence à comprendre vos pressentiments et vos