Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/303

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gris sont arrangés comme à l’ordinaire, son linge est dans toute sa fraîcheur, et il est enveloppé d’une magnifique robe de chambre ; il a son lorgnon et sa montre : rien n’y manque. C’est moins peut-être dans l’intérêt de sa dignité que pour l’amour de milady ; il veut qu’elle puisse croire en entrant qu’il est toujours le même et que rien, si ce n’est la goutte, n’a troublé son existence. Les femmes jasent volontiers ; et bien qu’elle soit une Dedlock, Volumnia ne fait pas exception à la règle : aussi le baronnet la garde-t-il auprès de lui pour l’empêcher d’aller jaser ailleurs. Du reste, quoiqu’il soit bien malade, il supporte ses souffrances avec un courage héroïque.

La chère Volumnia, appartenant à la classe de ces beautés sémillantes que le silence expose à toutes les tortures du plus affreux ennui, indique l’approche de ce monstre dévorant par une série de bâillements qu’il lui est impossible de dissimuler. Comme elle ne connaît pas d’autre moyen pour les réprimer que de se mettre à jaser, elle fait compliment à mistress Rouncewell de son fils ; elle n’a jamais vu de plus belle taille, d’air plus martial, un aussi bel homme en un mot si ce n’est… Chose… un garde du corps, son favori, l’homme de ses rêves, qui fut tué à Waterloo.

Sir Leicester écoute ces éloges avec surprise, et tourne vers mistress Rouncewell un regard si étonné, que la vieille dame croit lui devoir un mot d’explication.

« Miss Dedlock ne parle pas de mon fils aîné, sir Leicester ; mais de celui que j’ai retrouvé, de mon plus jeune qui est enfin revenu.

« Georges, mistress Rouncewell ? Votre fils Georges est de retour ? s’écrie le baronnet.

— Oui, sir Leicester, » répond la femme de charge en s’essuyant les yeux.

Cette découverte imprévue, ce retour inopiné d’une personne que depuis longtemps on croyait morte, ne viennent-ils pas confirmer son espoir ? « On la retrouvera, se dit-il ; on me la ramènera saine et sauve ; il y a quelques heures seulement qu’elle est partie ; et il y avait tant d’années que Georges était perdu ! »

On veut l’empêcher de parler, on le supplie de se taire, mais on ne peut pas l’obtenir ; les paroles se pressent sur ses lèvres, presque inarticulées, il est vrai, mais néanmoins intelligibles.

« Pourquoi ne me l’avez-vous pas dit, mistress Rouncewell ?

— C’est hier seulement que je l’ai retrouvé, sir Leicester, je ne vous croyais pas assez bien pour vous entretenir de pareille