Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/306

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« C’est pourquoi, Volumnia, poursuit-il, je déclare devant vous, ainsi qu’en présence de mistress Rouncewell, mon ancienne femme de charge et mon amie, dont la loyauté ne pourrait être mise en question, et en présence de son fils Georges, qui reparaît à mes yeux comme un souvenir de ma jeunesse, et du temps que j’ai passé avec lui dans le château de mes ancêtres, je déclare solennellement, afin que vous puissiez en témoigner, dans le cas où je viendrais à mourir, ou à perdre complétement la faculté de m’exprimer, je déclare, dis-je, que milady et moi nous sommes ensemble dans les meilleurs termes ; qu’elle ne m’a jamais donné le moindre sujet de plainte ; que j’ai toujours eu pour elle l’affection la plus vive, la plus profonde ; et que je la lui conserve dans toute sa puissance ; dites-le bien à tout le monde et surtout à elle-même. Si vous alliez altérer mes paroles ou en diminuer la force, ce serait de votre part envers moi une trahison préméditée. »

Volumnia promet d’une voix tremblante d’accomplir à la lettre les instructions qu’il leur donne.

« Milady est dans une position trop élevée ; elle est trop belle, continue le baronnet, trop supérieure sous tous les rapports, à la plus accomplie des femmes qui l’environnent, pour n’avoir pas des envieux et des ennemis ; qu’ils sachent donc, ainsi que je vous le déclare, qu’étant sain d’esprit, possédant toute ma mémoire, tout mon jugement, je ne révoque rien des dispositions que j’ai prises en sa faveur ; que je ne retranche rien à la part que je me suis plu à lui donner ; et que, tout en me sentant la faculté et le pouvoir de le faire, si tel était mon bon plaisir, je n’abroge aucun des actes que j’ai passés pour assurer sa fortune et son bonheur. »

Le tour pompeux qu’il a toujours donné à ses paroles a pu faire sourire autrefois ; mais à cette heure il y a dans cette pompe même quelque chose de sérieux et de touchant. L’ardeur qui l’anime, la généreuse protection dont il couvre celle qu’il aime, oubliant sa douleur et faisant taire son orgueil offensé pour ne songer qu’à elle, sont la preuve d’un grand cœur aussi loyal que sensible ; vertu éclatante, également digne de nos éloges soit qu’elle se rencontre chez le mieux né des gentilshommes, ou chez le dernier des artisans.

Épuisé par cet effort, le baronnet ferme les yeux et laisse retomber sa tête sur l’oreiller ; mais une minute s’est à peine écoulée, qu’il reporte ses regards vers la fenêtre et recommence à écouter le moindre bruit. Les petits services rendus par Georges, et acceptés par le baronnet, ont fait du sergent un fa-