Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/312

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« Comme vous êtes mouillée, » me dit-il en me prenant dans ses bras. Je ne m’en étais pas aperçue ; la neige avait pénétré dans la voiture ; d’ailleurs j’avais été forcée de descendre deux ou trois fois lorsqu’un cheval était tombé, et le givre fondu avait transpercé mes vêtements. Je lui répondis que ce n’était rien ; qu’il ne fallait pas s’en occuper ; mais le cocher n’en persista pas moins à courir à son écurie d’où il revint avec une brassée de paille sèche dont ils m’entourèrent les pieds, qu’elle eut bientôt réchauffés. « Maintenant, chère demoiselle, me dit M. Bucket en mettant la tête au vasistas après avoir fermé la portière, nous allons à la recherche de cette femme ; cela sera peut-être un peu long ; ne vous en inquiétez pas ; soyez bien persuadée que j’ai un motif pour agir comme je le fais. »

Je ne me doutais guère de ce motif, et j’étais loin de penser que je regretterais bientôt de trop bien comprendre le sens de ses paroles ; je lui répondis néanmoins qu’il avait toute ma confiance.

« Vous pouvez me la donner sans crainte, me dit-il ; et d’ailleurs si vous m’accordez la moitié de celle que j’ai en vous, après tout ce que je viens de vous voir faire, c’est plus que suffisant. Bonté divine ! pas embarrassante le moins du monde ; je n’ai jamais vu de jeune fille, quelle que soit la classe de la société à laquelle elle appartînt, se conduire comme vous l’avez fait depuis l’instant où je suis allé vous réveiller ; vous êtes vraiment exemplaire, ajouta M. Bucket avec chaleur, vraiment exemplaire. »

Je lui dis que je me félicitais de n’avoir pas été pour lui une cause d’embarras et que j’espérais qu’il en serait de même jusqu’à la fin.

« Quand une jeune fille est aussi courageuse qu’elle est douce, reprit-il, c’est tout ce que je demande et beaucoup plus que je n’espère ; elle devient alors une véritable reine et c’est précisément ce que vous êtes, chère demoiselle. »

En disant ces paroles encourageantes, il monta sur le siége et nous partîmes aussitôt. Où allions-nous ? Je ne le savais pas alors et ne l’ai jamais su depuis ; nous avions l’air de rechercher les rues les plus étroites et les plus affreuses de Londres. De temps en temps nous débouchions dans une rue plus large et nous nous arrêtions devant quelque maison mieux éclairée et plus grande que les autres, où M. Bucket s’entretenait avec plusieurs personnes ; quelquefois il descendait au coin d’une rue ou à côté d’une porte voûtée, montrait la lumière de sa lanterne, qui en attirait de semblables du fond des ténèbres, comme