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« Allons, petite femme, reprit-il, allons ! abandonnons au temps et au hasard cet écueil de notre famille ; tâchons seulement d’empêcher la pauvre Éva d’aller y briser son existence. N’en parlons pas, surtout devant le pauvre Rick ; j’ai prié Woodcourt, je vous le demande également, de ne jamais lui en toucher le moindre mot ; dans huit jours ou dans un an, tôt ou tard enfin, ses yeux se dessilleront ; il me reverra tel que je suis ; j’ai de la patience et je peux attendre. »

Je fus obligée d’avouer que nous avions discuté plusieurs fois là-dessus, Richard et moi ; et que j’avais des raisons de croire que M. Woodcourt en avait fait autant.

« Il me l’a dit, répliqua mon tuteur ; et, de son côté, dame Durden m’ayant fait son aveu, il n’y a plus à s’en occuper ; passons à autre chose. Que pensez-vous de mistress Woodcourt ? vous plaît-elle ? »

Un peu troublée par cette question imprévue, je répondis que je l’aimais beaucoup ; d’autant plus qu’elle me paraissait maintenant plus aimable qu’autrefois.

— « Je le trouve aussi, répondit M. Jarndyce. Elle parle moins de sa généalogie, de Morgan-ap…, etc. »

C’était précisément ce que j’avais voulu dire, j’en convins ; tout en reconnaissant que cette excellente femme n’en était pas moins bonne au fond, dans le temps où elle s’occupait davantage de Morgan-ap-Kerrig.

« Je ne dis pas non, reprit mon tuteur ; cependant elle a bien fait de le laisser dans ses montagnes ; et, puisque nous sommes du même avis à cet égard, ne croyez-vous pas, dame Durden, que je ferais bien d’inviter mistress Woodcourt à rester avec nous ?

— Oui, tuteur ; et cependant… »

M. Jarndyce me regarda, comme s’il attendait la fin de ma phrase ; mais je n’avais rien à dire, ou du moins rien que je pusse exprimer ; seulement une vague idée qu’il aurait mieux valu ne pas installer cette vieille dame chez nous.

« Cette pensée m’est venue, dit mon tuteur, parce que Woodcourt a souvent l’occasion de venir par ici ; qu’il pourrait alors voir sa mère autant qu’il le voudrait, sans se déranger beaucoup ; d’ailleurs, elle est aimable et me paraît avoir pour vous une sincère affection. »

Tout cela était incontestable ; je n’avais rien à dire contre un arrangement que je ne pouvais qu’approuver ; et cependant j’avais l’esprit inquiet : « Pourquoi donc cela ? » me disais-je… Il fallut bien pourtant finir par répondre