Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

surtout) demandent tant et tant de choses, qu’il leur devient très-difficile de désigner quoi que ce soit d’une manière distincte, bien qu’ils continuent d’informer tous les nouveaux arrivants de ce qu’ils ont vu, dit et pensé depuis la veille. De temps en temps un policeman pousse la porte qu’il entrebâille, et, de l’ombre où il se trouve, jette un coup d’œil à l’intérieur ; non pas qu’il ait aucun soupçon ; mais pour savoir, par curiosité d’état, ce qui se passe dans la taverne.

La nuit s’écoule ainsi, traînant sa marche pesante, et voit les habitants de la cour, à une heure qui ne les a jamais trouvés debout, continuant de se traiter réciproquement et d’agir comme des voisins qui ont retrouvé tout à coup un peu d’argent qu’on ne leur soupçonnait pas. Elle se retire enfin ; et l’allumeur de réverbères, chargé de les éteindre, faisant sa ronde comme le bourreau d’un monarque absolu, fait tomber ces têtes de flammes qui aspiraient à diminuer les ténèbres.

Le jour vient, le jour de Londres, c’est-à-dire brumeux et sombre ; mais il suffit pour reconnaître que les habitants de Cook’s-Court ne se sont pas couchés. La brique et le mortier des murailles qui entourent les visages endormis sur les tables, les jambes étendues sur le carreau, ont eux-mêmes un air de fatigue et d’épuisement. Le quartier s’éveille ; et, apprenant ce qui est arrivé, accourt en foule, à demi vêtu, s’enquérir des détails de cette histoire lamentable ; si bien que les deux policemen et le pompier, sur qui l’agitation et l’insomnie ont laissé des traces beaucoup moins visibles que sur le reste de la cour, ont infiniment de peine à garder la porte de la maison.

«  Bonté divine ! qu’est-ce que je viens d’apprendre ! s’écrie M. Snagsby en s’approchant d’un policeman.

— La pure vérité, répond l’un d’eux.

— Quand je pense, gentleman, reprend M. Snagsby en faisant un pas en arrière, quand je pense que j’étais là, hier au soir, entre dix et onze, à causer sur cette porte avec un jeune homme qui loge dans cette maison !

— En vérité ? dit le policeman ; eh bien, vous trouverez ce jeune homme dans la maison d’à côté… allons, vous autres, circulez.

— Il n’est pas blessé, j’espère ? demande M. Snagsby.

— Non ; qu’est-ce qui l’aurait blessé ? »

M. Snagsby, incapable de répondre à quoi que ce soit dans l’état d’esprit où il est, se dirige vers les Armes d’Apollon et trouve M. Weevle assis languissamment devant une tasse de thé, au milieu d’un nuage de fumée de tabac et dans un accablement indicible.