Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/363

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demandai pour quel motif M. Jarndyce me faisait venir ; supposant tantôt une chose, tantôt une autre, mais sans pouvoir jamais, jamais deviner la vérité.

Il faisait nuit quand j’arrivai ; mon tuteur était là pour me recevoir, ce qui me délivra d’un grand poids ; car, dans la soirée, j’avais fini par craindre qu’il ne fût tombé malade, d’autant plus que sa lettre, excessivement brève, avait l’air de me dissimuler quelque chose.

Il était là, néanmoins, aussi bien portant que possible ; et quand je revis sa figure ouverte, plus radieuse que jamais, je me dis à moi-même : « Il aura fait encore quelque belle et bonne action ; » chose, après tout, qui n’était pas difficile à deviner, puisqu’il n’était venu dans le Yorkshire que pour obliger quelqu’un.

Le souper était préparé à l’hôtel ; quand nous fûmes à table et qu’on nous, eut laissés seuls :

« Voilà, dit-il, une petite femme qui, j’en suis sûr, est bien curieuse de savoir pourquoi je l’ai fait demander.

— Mais, répondis-je, sans être une Fatime et vous une Barbe-Bleue, j’avoue que ma curiosité est passablement éveillée.

— Dans ce cas, ma chère, pour que vous puissiez dormir tranquille, je n’attendrai pas jusqu’à demain, et je vais vous le dire tout de suite. Il y a longtemps que j’éprouvais le besoin d’exprimer au docteur combien sa conduite envers le pauvre Jo m’avait ému ; combien je suis touché des soins qu’il donne à Richard ; enfin de lui témoigner l’affection et l’estime qu’il nous inspire à tous. Il me vint donc à l’esprit, quand il fut décidé à s’établir ici, de le prier d’accepter quelque maisonnette, où il pût convenablement reposer sa tête. Une excellente occasion s’est justement offerte ; je me suis empressé de la saisir et d’accommoder cette petite demeure à son usage. Mais avant-hier, au moment où l’on vint me dire que tout cela était prêt, je ne me sentis pas assez bon maître de maison pour juger par moi-même si chaque chose était comme il faut, et s’il n’y manquait rien. J’ai donc fait venir la meilleure ménagère qu’il soit possible de voir, pour lui demander son avis et prendre ses conseils. Et la voilà ! » dit mon tuteur en riant et en pleurant à la fois. Il était si bon, si admirablement bon ! J’essayai de lui dire tout ce que je pensais de sa bonté, mais je ne pus articuler un seul mot.

« Allons, allons, reprit-il ; vous donnez à cela plus d’importance que cela ne vaut, petite femme. Mais, quoi ! vous pleurez, dame Durden !