Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Ne me demandiez-vous pas ce que la lettre veut dire ? reprend le vieux Smallweed qui tient toujours à la main la pipe de M. Georges.

— Mais, répond celui-ci avec sa franchise ordinaire, je ne m’en soucie plus guère, si tout s’arrange comme la chose est convenue. »

L’usurier vise le sergent à la tête et manque son coup ; la pipe tombe sur le plancher où elle se brise en mille pièces.

«  Voilà ce que ça veut dire, mon cher monsieur, ajoute l’avare ; ça veut dire que je vous écraserai, que je vous pilerai, que je vous broierai comme cette pipe, et allez à tous les diables ! »

Les deux amis quittent leur chaise et se regardent ; la gravité de M. Bagnet ne saurait devenir plus profonde.

«  Allez au diable ! répète l’affreux vieillard ; je ne veux plus de vos pipes et de vos rodomontades. Ah ! vous faites le fier, l’indépendant ! allez voir mon avoué (vous savez bien où il demeure), allez-y, mon cher, allez ; c’est peut-être une chance qui vous reste. Ouvre la porte, Judy, fais sortir ces bandits ; appelle du secours, s’ils ne veulent pas s’en aller ; mets-les dehors, mets-les dehors. »

Il vocifère ces paroles avec une telle violence que M. Bagnet, prenant son camarade par les deux épaules, le pousse dans la rue avant que ce dernier soit revenu de sa stupeur ; et la porte est immédiatement fermée sur eux par la triomphante Judy.

«  Allons, Mat, dit M. Georges quand il revient à lui ; essayons du procureur ; mais que penses-tu d’un pareil coquin ? »

M. Bagnet lance un dernier regard dans le parloir des Smallweed, secoue la tête et répond :

«  Si la vieille avait été là, vous auriez vu comme je lui aurais dit son fait à ce gredin-là. » Puis ayant ainsi déchargé sa conscience, il se met au pas et marche en mesure avec son camarade… une, deux.

Lorsqu’ils arrivent chez le procureur, celui-ci est occupé, et il est impossible de le voir. Après une heure d’attente, le clerc revient du cabinet de l’avoué où la sonnette l’avait appelé et ne rapporte aux deux amis que des paroles peu encourageantes ; M. Tulkinghorn n’a rien à leur dire, il est inutile que ces messieurs perdent leur temps, ils feraient mieux de s’en aller. Ces messieurs n’en restent pas moins dans la salle avec une patience toute militaire. La sonnette se fait entendre de nouveau, et le client dont l’audience est enfin terminée, sort du cabinet de M. Tulkinghorn.

Ce client, ou plutôt cette cliente, c’est mistress Rouncewell,