Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/93

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calme ! on n’y entend pas les grincements de la procédure. Quand mes affaires seront réglées, c’est ici que je viendrai me reposer.

— Ne vaudrait-il pas mieux commencer par là, Richard ?

— Oh ! c’est impossible ; d’ailleurs, je ne peux rien décider quant à présent.

— Pourquoi cela ?

— Parce que, si vous habitiez une maison qui ne fût pas terminée, et que demain, dans un mois, dans un an, on pût l’abattre de fond en comble, vous ne pourriez pas vous y établir ; c’est ainsi que je me trouve ; aujourd’hui n’existe pas, pour nous autres plaideurs. »

Je pensai aux paroles de miss Flite, et, chose terrible à dire, l’ombre de Gridley passa sur le visage de Richard.

« C’est mal entamer la conversation, répliquai-je tristement.

— Je savais bien que vous diriez cela, dame Durden.

— Et je ne suis pas la seule qui partage cette opinion, Richard ; ce n’est pas moi qui vous ai dit autrefois de ne pas mettre votre espoir dans ce qui fut toujours la ruine de la famille.

— Nous y voilà ! dit-il avec impatience ; toujours le sieur Jarndyce ! enfin, tôt ou tard, il fallait bien en parler, puisque c’est pour cela que nous sommes venus ici. Mais, chère Esther, il faut que vous soyez terriblement aveugle pour ne pas voir qu’étant ma partie adverse, il est de son intérêt que je ne sache rien de ce procès, et que je ne m’en occupe pas ; si je pouvais même oublier que j’ai des droits…

— Oh ! Richard ! est-il possible qu’après avoir vécu chez lui, c’est-à-dire après l’avoir connu, vous puissiez élever de pareils soupçons contre M. Jarndyce ? »

Il rougit extrêmement et reprit à voix basse, au bout de quelques instants :

«  Je suis bien sûr, Esther, que vous ne me soupçonnez d’aucun sentiment bas, et la défiance serait à mes yeux un triste défaut chez un homme de mon âge.

— Je n’ai jamais douté de vous, Richard.

— Merci, dame Durden ; cette parole me fait du bien ; j’ai besoin de trouver quelque part un peu de consolation, car c’est une chose douloureuse que les affaires, et celle-là entre toutes.

— Je ne le sais que trop, mon pauvre ami ; toutes ces interprétations, plus ou moins fausses, ne vont pas à votre nature si franche, et vous devez bien en souffrir.

— Allons, chère sœur, quoi qu’il arrive, vous serez juste