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liaison plus étroite que celle qui existe aujourd’hui. Je voyais, et je vois encore plusieurs motifs qui rendraient cette union désirable, mais dans un avenir éloigné, bien éloigné, Richard.

— C’est aussi à l’avenir que nous avons pensé, monsieur.

— Très-bien, reprit mon tuteur ; on ne peut pas être plus raisonnable. Écoutez-moi, chers enfants : je pourrais vous dire que vous ne savez pas trop encore ce que vous faites : que mille choses, mille événements peuvent arriver qui vous séparent et vous détournent l’un de l’autre ; qu’il est heureux que cette chaîne de fleurs que vous portez aujourd’hui puisse être facilement rompue, car sans cela elle deviendrait une chaîne de fer ; mais je n’en ferai rien ; vous le saurez assez tôt, si vous devez jamais l’apprendre ; et je veux penser, au contraire, que vous éprouverez toujours l’un pour l’autre ce que vous ressentez maintenant. Mais, si vous reconnaissiez plus tard que vous vous êtes trompés, et qu’il n’existât plus entre vous que le lien de famille banal qui vous unit aujourd’hui, ne craignez pas de me l’avouer ; car il n’y aurait dans ce fait rien d’extraordinaire et qui pût m’étonner (quand vous serez plus âgé, Rick, vous me pardonnerez ces paroles). Je ne suis, à votre égard, qu’un parent éloigné, qu’un ami ; je n’ai aucun droit sur vous ; mais je désire et j’espère conserver votre confiance, tant que je n’aurai rien fait qui puisse me la faire perdre.

— Monsieur, répondit Richard, vous avez sur nous le plus puissant de tous les droits : celui que vous donnent la reconnaissance et l’affection que nous éprouvons pour vous et qui grandissent chaque jour.

— Cousin John, dit Éva en se penchant sur l’épaule de mon tuteur, vous occupez la place que mon père laissait vide auprès de moi ; tout le respect, toute la tendresse que j’aurais eus pour lui, c’est vous qui les avez.

— Maintenant, reprit M. Jarndyce, relevons la tête et envisageons l’avenir avec espoir ; le monde s’ouvre devant vous, Richard ; et de la manière dont vous y entrerez dépendra probablement celle dont vous y serez reçu ; ne comptez que sur vos propres efforts et sur la Providence ; n’oubliez jamais Dieu ; ne séparez sa pensée d’aucune de vos actions ; rappelez-vous que la constance dans votre amour ne serait rien par elle-même, sans la persévérance que vous devez apporter au travail ; et qu’eussiez-vous le génie de tous les grands hommes de la terre, vous n’obtiendriez aucun résultat, sans une volonté ferme et une application constante. Si vous pensiez qu’on peut saisir la fortune au passage et d’un bond lui arracher le succès, il fau-