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rayonnait dans toute la personne de M. Gusher ; si nous n’étions pas frappés de la forme de sa tête, du développement de son front, etc., etc. ; il nous parla ensuite des missions de toute espèce accomplies par ses amis et connaissances. Ce qu’il y eut dans tout cela de plus évident pour nous, c’est que la mission spéciale de M. Quale était de tomber en extase devant la mission des autres, mission la plus populaire d’entre toutes les missions.

Mon tuteur, dans son extrême bonté et dans son désir de faire tout le bien qui était en son pouvoir, s’était lié avec ces philanthropes, et n’avait pas tardé à reconnaître qu’ils formaient une corporation fort déplaisante, où la charité, devenue spasmodique, servait d’uniforme à des spéculateurs avides de renommée, fougueux dans leurs discours, turbulents dans leurs actes, prodigues de paroles sonores et d’agitation vaine ; serviles jusqu’à la bassesse envers les grands, adulateurs les uns des autres, et insupportables à tous ceux qui auraient mieux aimé prévenir le mal sans bruit, que de faire tout ce fracas inutile pour y apporter un palliatif dérisoire quand il n’était plus temps. C’était du moins l’opinion de mon tuteur, qui nous l’avoua sans détour ; et, lorsqu’un témoignage de gratitude publique fut provoqué par M. Gusher pour honorer M. Quale, qui en avait organisé un, non moins honorable pour M. Gusher, et qu’à cette occasion M. Gusher parla une heure et demie sur les services rendus par M. Quale, dans un meeting auquel assistaient deux écoles d’enfants pauvres, à qui l’orateur ne manqua pas de rappeler le denier de la veuve, les adjurant d’apporter leurs demi-pence à la quête qu’on allait faire, je crois que le vent d’est souffla pendant quinze jours.

Cela me ramène à M. Skimpole, dont la naïve insouciance plaisait d’autant plus à mon tuteur qu’elle contrastait davantage avec tout ce jargon philanthropique. Je serais fâchée d’insinuer que M. Skimpole devinât tout le plaisir que sa naïveté faisait à mon tuteur, et qu’il y mît une certaine diplomatie ; je n’ai jamais assez bien compris son caractère pour le savoir ; tout ce que je puis dire, c’est qu’il était pour tout le monde le même homme que pour M. Jarndyce.

Il avait été fort souffrant depuis que nous étions à Londres ; et nous ne l’avions pas encore vu, lorsqu’un matin il entra plus gracieux et plus aimable que jamais.

Il avait eu une maladie de la bile, et il avait profité de l’occasion pour s’imaginer qu’il possédait une grande fortune, les gens très-riches étant sujets aux indispositions de ce genre ; il avait