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tée à pied, et d’où l’on apercevait Chesney-Wold, détourna la pensée de notre ami, qui reporta sur le château l’attention qu’il avait donnée jusqu’alors à son insipide propriétaire.

C’était une ancienne résidence, d’un extérieur pittoresque, située dans un parc admirable, d’où s’élevait le clocher de la petite église dont avait parlé M. Boythorn. Oh ! les beaux arbres ! la lumière et l’ombre passaient rapidement au-dessus d’eux, comme si des anges eussent glissé dans les airs, portant de doux messages par ce beau jour d’été. Quel ravissant coup d’œil que ces pentes couvertes d’un gazon si uni et si frais, que ces eaux étincelantes, que ces jardins, où les fleurs étaient groupées avec symétrie, et dont les vives nuances s’harmonisaient entre elles ! Au milieu du calme et du silence qui l’environnaient de toute part, le château avec ses pignons, ses cheminées, ses tourelles, son portail sombre et sa large terrasse, dont la balustrade était couverte de rosiers, avait quelque chose de fantastique dans sa masse, à la fois imposante et légère. Quelle douce quiétude vous pénétrait en regardant cette belle vue ! Le manoir, les jardins, la terrasse, les pièces d’eau, les vieux chênes, les grands bois à l’horizon, la perspective qui s’étendait au loin, nuancés de pourpre et d’azur, tout enfin paraissait plongé dans un repos que rien ne devait troubler.

Quand nous traversâmes le petit village, M. Boythorn, passant devant la porte de l’auberge, où se balançaient pour enseigne les armes de Dedlock, échangea quelques paroles avec un jeune gentleman assis sur un banc, et qui avait auprès de lui divers instruments de pêche.

«  C’est le petit-fils de la femme de charge du château, M. Rouncewell, nous dit M. Boythorn. Il aime passionnément une jolie fille qui est au service des Dedlock. Milady a pris à son tour un caprice pour cette charmante enfant, qu’elle veut garder auprès d’elle ; honneur auquel mon jeune ami ne se montre pas sensible. Et ne pouvant pas se marier maintenant, alors même que Rosa voudrait y consentir, il en prend son parti comme il peut ; et vient souvent ici passer un ou deux jours, afin de… pêcher… Ah ! ah ! ah !

— Sont-ils engagés l’un à l’autre, monsieur ? demanda Éva.

— Je crois qu’ils se comprennent fort bien, miss Clare ; mais vous les verrez probablement, et c’est vous qui m’apprendrez alors ce que vous me demandez aujourd’hui. »

Éva rougit ; M. Boythorn, pressant l’allure de son cheval, mit pied à terre à la porte de sa demeure ; et, la tête découverte, il se tint prêt à nous recevoir dès que nous y serions arrivés.