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mauvais jours, sa gloire et son triomphe dans la prospérité ? Pour l’instant, néanmoins, ce bouclier précieux ne protège plus l’Angleterre ; l’honorable avocat, toujours si effroyablement indigné de l’outrage sans précédent commis envers son client par la partie adverse, et qui semblait ne devoir jamais se remettre de la secousse douloureuse qu’il en avait éprouvée, est actuellement en Suisse, où, Dieu merci ! il se porte beaucoup mieux qu’on ne pouvait s’y attendre. Cet autre avocat, dont la spécialité est de flétrir de ses lugubres sarcasmes tout opposant à sa cause, est en ce moment aux eaux des Pyrénées, où il est d’une gaieté folle. Son collègue, que la moindre accusation fait pleurer amèrement, n’a pas versé une larme depuis plus de six semaines. Le très-honorable avocat qui est parvenu à refroidir sa nature ardente en s’abreuvant aux sources de la loi, où il puise ces arguments subtils que, pendant la session, il pose aux magistrats assoupis, fétus légaux, insaisissables à la plupart des initiés aussi bien qu’aux profanes, parcourt avec délices les environs poudreux de Constantinople. D’autres fragments épars de ce grand palladium de la justice sont maintenant sur le bord des lagunes, aux bains d’Allemagne, à la seconde cataracte du Nil ou répandus sur toutes les côtes d’Angleterre, dont ils émaillent le sable ; mais à peine en trouverait-on un seul dans la région de Chancery-Lane. Et si, par aventure, ce membre solitaire du barreau, traversant le désert qu’il habite, rencontre un plaideur acharné, qui revient malgré lui hanter les lieux témoins de sa fiévreuse inquiétude, ils ont peur l’un de l’autre et se retirent dans l’ombre, en se tournant le dos.

Ce sont les vacances les plus chaudes qu’on ait vues depuis bien des années ; tous les jeunes clercs sont amoureux fous et, suivant le degré qu’ils occupent, soupirent auprès de l’objet aimé à Margate, Ramsgate ou Gravesend. Tous ceux de leurs confrères qui sont entre deux âges passent leur temps au sein de leur famille trop nombreuse dont ils se passeraient bien ; tous les chiens perdus qui errent aux environs de la cour, et cherchent, haletant sur les places, l’eau qui leur manque, font entendre des hurlements plaintifs ; tous les chiens d’aveugles traînent leurs maîtres du côté des fontaines ; la moindre boutique qui a une tente devant sa porte, un bocal rempli de poissons rouges sur sa fenêtre, et dont le trottoir est arrosé, paraît un véritable sanctuaire. Temple-Bar est devenu si brûlant, qu’il est aux rues voisines ce qu’est un cylindre bouillant dans une bouilloire à thé, et les fait mijoter toute la nuit.

Il y a bien, aux environs de la cour, certaines études d’avoué