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où l’on trouverait la fraîcheur, si la fraîcheur, même par cette température, valait qu’on l’achetât par l’ennui ; mais tout ce qui avoisine ces retraites profondes semble vomir des flammes. Dans Cook’s-Court, il fait tellement chaud, que les habitants désertent leurs maisons pour s’installer dans la rue, y compris M. Krook, ayant à ses côtés lady Jane, qui ne s’aperçoit pas de la chaleur. Les soirées musicales ont cessé aux Armes d’Apollon ; et le petit Swills s’est engagé pour l’été au Jardin pastoral, situé près de la Tamise, où il prend un air innocent pour débiter des chansonnettes comiques d’un genre tout juvénile, expressément composées (ainsi que le dit l’affiche) de manière à ne pas blesser la susceptibilité des esprits les plus délicats.

L’oisiveté et la mélancolie s’étendent comme une toile d’araignée gigantesque sur tout le quartier des gens de robe. M. Snagsby, papetier dans Cursitor-Street, ressent vivement cette influence, dont il souffre, non-seulement dans sa nature contemplative et sympathique, mais aussi dans ses affaires, en sa qualité de papetier du palais. Il a plus de temps pour aller rêver dans Staple-Inn et dans Rolls-Yard, pendant les vacances que dans toute autre saison ; « si on croirait jamais, dit-il aux deux apprentis, que par cette chaleur on habite une île ; et qu’autour de vous la mer roule ses flots et fait bondir ses vagues ! »

Par une de ces journées étouffantes, Guster est fort occupée dans le petit salon où M. et Mme Snagsby attendent leurs invités ; plus distingués que nombreux, les hôtes du papetier se réduisent à deux personnes, M. et Mme Chadband. Soit en paroles, soit par écrit, M. Chadband a l’habitude de se comparer à un vaisseau ballotté par les vagues, d’où il résulte que les étrangers le supposent employé dans la marine ; c’est une erreur ; il est, suivant sa propre expression, attaché au saint ministère. Toutefois, il n’a pas de titre spécial, n’appartient à aucune église, et ses persécuteurs affirment qu’il pourrait, sans charger sa conscience, renoncer à la mission qu’il s’est donnée de pérorer sur le plus grand de tous les sujets sans avoir rien à en dire ; mais il a ses partisans, et Mme Snagsby est du nombre. C’est tout dernièrement qu’elle a pris passage sur le vaisseau Chadband, depuis que la chaleur lui a fait porter le sang à la tête.

«  C’est que, voyez-vous, ma petite femme, dit M. Snagsby aux moineaux de Staple-Inn, aime diantrement sa religion. »

Guster, en préparant le petit salon pour recevoir M. Chadband, est toute fière de se croire un moment la servante de cet homme remarquable qu’elle sait doué de l’admirable faculté de